MÉMOIRE DU GONm : les interviews du 50° anniversaire
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- DEBOUT Claire
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19 - Mémoires du GONm ; les interviews du 50°anniversaire : Cyriaque Lethuillier
Né en 1977 au Havre dans une fratrie de 3 garçons, chez des parents boulangers- pâtissiers, je suis donc un urbain. Mais, toutes les vacances scolaires se passent à la ferme de mon grand-père agriculteur sur la commune de La Poterie – Cap d’Antifer, vous allez comprendre mon attachement affectif puissant au territoire du Cap d’Antifer.
Comme pour beaucoup d’enfants à la campagne, mon grand-père me montre des nids dans les haies (chardonneret), dans les pommiers et aussi du haut du Cap, les cormorans qui volaient au raz de l'eau, le poulailler aux mouettes, sans savoir qu’il s’agissait de mouettes tridactyles (vers 1980). Il était naturaliste à sa façon, observateur et m’a transmis une fibre naturaliste naturelle. Comme tout ado, j’ai eu envie de devenir vétérinaire puis d’autre chose élargissant le champ des possibles dans le domaine de la nature. Mon père, lui, est un grand jardinier et a aussi un goût certain pour la nature. Il m’emmène en baie de Seine sur la digue reposoir de la CIME pour observer des oiseaux inconnus : limicoles, canards. Alors, ah ! je voulais être ornithologue !
Mes premiers contacts avec le GONm se firent sur la digue, j’ai interrogé les animateurs qui étaient sur place qui m’expliquèrent qu’il n’y avait pas d’ornithos professionnels en France, la filière est très étroite ! en repartant, il y avait un ou deux grands gravelots posés sur le capot de la voiture, plombés par des porteurs de fusil et donc braconnés (je n’appelle pas ça des chasseurs). Ces oiseaux morts furent pour moi un choc ! Dès l’âge de 10 ans mon grand-père m’avait emmené à la chasse, c’était un chasseur de plaine et pas un porteur de fusil.
Mon 2ème contact avec le GONm fut au lycée agricole d’Yvetot en 1993 ou 94 pour écouter la présentation de Laurent Demongin, alors objecteur au GONm, qui n’avait pas d’opposition franche à la chasse et pour deux jeunes ruraux ça ouvrait le champ de la découverte de la nature par d’autre moyen que la chasse mais sans l’exclure. Avec mon copain de classe, on adhère alors au GONm.
Je participe alors à l’atlas, aux enquêtes avec mon ami Jean-Baptiste Ricouard qui est un agriculteur avec un intérêt réel pour les oiseaux, c’est plutôt rare mais, et donc c'est très précieux. Jean-Baptiste, depuis, a repris une ferme bio, il plante des haies par lui-même et aussi grâce à des campagnes de plantation de haies.
On a fait ensemble pas mal de sorties avec le club nature géré par Mme Mériot, notre professeur de SVT, c’était une enseignante active qui transmettait sa culture naturaliste, elle m’a influencé dans mon choix pour m’orienter vers le lycée agricole d’Yvetot en seconde et j’ai passé mon BTA gestion de la faune sauvage (ancêtre du bac pro GMNF actuel) ; pour mon BTA GFS je devais chercher un stage, axé cynégétique : j’ai écrit à toutes les Fédérations de chasse et n’ai eu aucune réponse ! Connaissant le GONm, j’en ai parlé à Gérard Debout qui m’a proposé un stage sur la réserve du Cap d’Antifer : extraordinaire, sa réponse fut immédiate pour un stage de 5 mois en avril 1995 pour le décompte des oiseaux marins nicheurs à la réserve (réserve GONm depuis 1991) : surveillance du faucon pèlerin nicheur pour la 2° année, comptage de la colonie de mouettes tridactyles alors florissante, de la colonie de grands cormorans avec ses 120 nids et plus (15 nids aujourd’hui), l’installation des cormorans huppés, les goélands argentés et marins nombreux et le goéland brun qui a disparu. Mon rapport de stage me permit d’obtenir mon BTA.
J’ai poursuivi avec un BTS Protection de la nature et j’ai fait un stage sur l’île de Beniguet avec l’ONCSF en continuant sur le thème des oiseaux marins. Le recensement des goélands bruns m’a fait côtoyer Pierre Yésou.
Vint le temps du service national que je voulais faire comme « formateur relai environnement écologie » en gendarmerie : être au service de mon pays pour des affaires de pollution. Finalement je rejoins le premier régiment d’infanterie de la Garde républicaine, pour une véritable expérience humaine à Nanterre . Étant à 5 minutes du RER A, j’ai passé beaucoup de temps à la bibliothèque du Museum d’histoire naturelle où j’ai lu des ouvrages sur la nature et j’ai fréquenté la petite librairie à côté du Museum.
En rentrant du service national je joins l’association DEFICAUX, association locale partenaire du CEL. J’ai alors un emploi-jeune comme agent de site naturel sur la valleuse d’Antifer et la falaise amont d’Etretat puis, mon poste est pérennisé et je l’ai occupé pendant à peu près vingt ans puisque je l’ai quitté en 2021. J’ai travaillé avec beaucoup d’écoles (sans doute plus de 10 000 élèves), nous étions deux salariés pour gérer 70 herbivores (chèvres et chevaux) pour l’entretien des valleuses. Une grande satisfaction est de retrouver les gamins que j’ai eu et qui reviennent avec leurs enfants, je suis heureux de voir qu’il y a eu transmission d’un certain sens de la nature et que j’ai réussi à donner du sens à l’existence de l’être humain.
Mon engagement public :
En 2008, je rentre au conseil municipal de ma commune La Poterie-Cap d’Antifer et en 2014 j’en deviens le maire, réélu en 2020. En prenant cette fonction j’ai voulu augmenter la prise en compte de la nature dans le secteur public ; j’ai participé à l’opération « grand site falaises d’Etretat » pour une meilleure prise en compte du patrimoine naturel dans le tourisme surtout pour l’attractivité du paysage. Un syndicat mixte devrait se mettre en place (communes, collectivités et département) pour mieux gérer les flux de fréquentation, mieux accueillir le public, le sensibiliser à autre chose que la photographie, le sensibiliser à « l’esprit des lieux », mais c’est une mission difficile.
Récemment, s’est créée la communauté urbaine – Le Havre Seine Métropole – comprenant 54 communes pour 275 000 habitants. C’est une grosse structure, mais les moyens sont plus importants pour la biodiversité, les espaces naturels, les aménagements naturels ; j’ai pris la fonction de Vice – Président en charge de la nature et des espaces naturels, c’est une fonction élective enthousiasmante car c’est une action publique axée 1/ sur l’amélioration des connaissances, 2/ sur la gestion et la prise en compte de la nature dans les écoles, chez les agriculteurs et la communauté urbaine, 3/ sur l’éducation à la nature, la vraie : monter en compétence. Il faut comprendre les enjeux mais aussi les attentes des habitants dans leur environnement proche ; au cœur de la ville, les citadins ne doivent pas se contenter de la pâquerette mais il faut leur montrer la vraie nature mais il faut leur montrer la vraie nature ; globalement les naturalistes manquent d’ambition, ils sont bien sûr trop liés avec les financeurs, il faut devenir plus indépendants.
Comme je l’ai déjà dit, mes grands-parents comme mon Papa jardinier savaient la beauté de la nature, la qualité d’une rose, l’amour de la terre. Mon oncle aussi agriculteur très pédagogue, célibataire, très bon, a un bon contact avec les gens, il est devenu mon bras droit dans mes fonctions électives.
J’ai trois enfants, Jules, 19 ans, qui rentre dans la marine, Albert, 17 ans, qui aime voyager et Léontine, 13 ans, qui a la fibre animalière, elle aime le cheval.
Mon lien continu avec le GONm :
Ce lien est maintenu par la réserve des falaises où sont toujours faits les décomptes du cormoran, des goélands, le suivi du faucon pèlerin. Cette réserve est une véritable zone de quiétude, fréquentée par quelques rares pêcheurs, quelques chercheurs de fossiles mais ils ne sont pas gênants. Les oiseaux meurent plus par les filets maillants qui les emprisonnent.
La défense de zone naturelle comme Antifer est une problématique difficile : il y a antinomie entre la défense du site et le désir de le rendre accessible ; il faut conscientiser les gens mais à trop ouvrir on risque d’anéantir. L’aménagement du territoire est souvent contraire à la logique de la valorisation, il faut une démarche de protection, les zones de quiétude sont assimilables à des mesures compensatoires. C’est un gros travail pour les futurs députés.
Si l’on prend l’exemple du problème des cerfs à Rambouillet : la reproduction est en déclin à cause des sentiers trop nombreux créés pour les touristes ; les cerfs sont plus concentrés, infligeant des dégâts à la sylviculture : illustration de l’approche économique. Si je prends la métaphore de la pièce de théâtre, il y a de bons acteurs sur la scène mais, il doit exister des coulisses ou zones de quiétude pour une meilleure qualité du spectacle.
Mon panthéon ornithologique :
Je suis conservateur de la réserve d'Antifer et je connais donc bien le faucon pélerin.
Le faucon pèlerin est un symbole ; comme chez les indiens, le faucon passe un message ; il est un dieu chez les égyptiens, il figure sur les totems des indiens. J’ai une profonde admiration pour cet animal quand on le croise sur la côte d’Albâtre, c’est quasi notre tigre, notre ours, c’est pour moi un archétype de la nature et il ne perd pas son prestige même s’il devient plus nombreux.
Sa puissance me procure de l’émotion, j’ai fait évoluer mon rapport au caractère remarquable de cette espèce, rare à l’échelle globale. Jeune, on cavale après l’espèce rare et l’homme a failli liquider cet oiseau ; mais, si on stoppe l’utilisation du DDT, cette espèce résiliente revient : cela doit donner de l’espoir aux jeunes.
Ma quête :
Ce qui met en mouvement l’homme c’est la peur, on vient de le voir avec le COVID. Mais aussi le désir et l’amour, sans désir il n’y a pas d’action.
La vie est courte, plus que passionné il faut être habité par la nature, avoir un profond désir de défendre la nature et de partager jusqu’à aller à l’engagement public malgré les difficultés des métiers ; je suis convaincu que la beauté de la nature libre donne du sens à notre vie, nous renvoie à notre humanité ; défendre la nature donne du sens à la vie, avec le désir de partager avec d’autres. La beauté est très importante, je le dis avec beaucoup de sincérité.
Robert Hainard est un penseur important, sa lecture devrait être obligatoire à l’école ou plus tard dans les formations qui s’occupent d’aménagement du territoire.
Le GONm :
Association régionale, importante. Longue vie au GONm.
Claire DEBOUT
- DEBOUT Claire
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20 - Mémoires du GONm ; les interviews du 50° anniversaire : Frédéric Branswyck
Je suis né en 1965 à Versailles et j’ai passé mon enfance en région parisienne mais je bénéficiais de vacances estivales à la campagne, à Saint-Georges-de-la-Rivière dans la Manche. Le plaisir des promenades et l’intérêt pour les sciences depuis l’enfance m’ont conduit naturellement à l’ornithologie. Ajoutons l’achat de quelques livres dont certains illustrés par Robert Hainard, et avec des amis à Portbail où j’ai connu l’existence du GONm, et aussi avec une rencontre avec vous deux Gérard et toi à Portbail il y a 40 ans. J’avais 16 ou 17 ans. A ce moment, il y avait des animations, des surveillances d’aires de grand corbeau plusieurs années de suite, des séances de see-watch au cap de Carteret avec un copain de Portbail qui s’appelle Christian Noël, ainsi que des séjours naturalistes dans les Pyrénées et les Alpes. J’ai aussi fait des animations dans les dunes de Lindberg avec le Conservatoire du littoral et sur la réserve de Vauville en contact avec Franck Dauguet, avec lequel je suis toujours ami. J’ai également confectionné les autocollants du GONm et imprimé les musettes destinées aux animateurs dans l’atelier de sérigraphie de mes parents.
J’ai fait ensuite des études de biologie à Caen et ai suivi quelques réunions à l’université, puis après une période de travail et quelques voyages (Guyane, Brésil, Antilles), pendant lesquels j’ai découvert une autre faune et d’autres oiseaux comme le bec en ciseaux ou les toucans, je me suis aperçu que l’on goutte d’autant plus les voyages quand on a une bonne connaissance de son propre milieu.
Après le service militaire inévitable (9° RIMA à Nantes), je me suis décidé pour devenir instituteur ; mais pour cela il me fallait un DEUG. J’ai alors trouvé un emploi d’éducateur à Granville où j’ai suivi, par correspondance, des études d’arts plastiques avec le CNED. J’ai pu ainsi rentrer à l’IUFM et suis devenu instituteur, professeur puis directeur d’école. Ces études d’art plastique m’ont permis à l’époque de réaliser quelques illustrations pour le premier atlas des oiseaux de Normandie.
Je ne faisais pas d’ornithologie de façon structurelle mais j’ai participé à l’enquête Rivières après le premier atlas, entre Portbail, Saint-Jean de la Rivière et Carteret.
Puis j’eus une longue interruption, j’ai eu mes enfants et je suis parti instituteur à Rouen où j’ai fait ma vie. J'y ai retrouvé mes autocollants sur les vitrines du muséum d'histoire naturelle de Rouen avec amusement. Je restais intéressé par les croquis d’observation et l’oiseau est un bon modèle pour capter la pose éphémère. J’aimais dessiner des hérons dans des attitudes variées, des canards qui constituaient des masses plus compactes mais qui pouvaient déployer leurs ailes lors d’un envol. Je suis un adepte du crayonné rapide.
Mes actions au GONm :
Je me suis repris au jeu de l’ornitho et j’ai fréquenté les réunions de Haute-Normandie qui se passaient à Rouen. J’ai vite pris des responsabilités en Seine-Maritime puis comme vice-Président pour la Haute-Normandie, fonction que j’ai exercé pendant dix ans, de 2009 à 2018.
Ces fonctions au quotidien étaient des actions administratives, essentielles mais pas les plus valorisantes. Ce que j’ai le plus aimé c’est la représentation auprès des structures institutionnelles - Estuaire Seine, GIP Seine aval - préfectures, communes et communautés... et avec la Maison de l’estuaire : essayer d’améliorer la place des oiseaux dans l’estuaire de la Seine, dans des environnements multiples et avec des acteurs très différents tels les industriels, les structures portuaires, les chasseurs, les coupeurs de roseaux, les agriculteurs, tout un monde passionnant.
J’ai travaillé avec Pascal Provost et la maison de l’estuaire, en collaboration avec le GONm et WI, sur des protocoles d’observation, qu’il fallait sélectionner et avaliser pour les poursuivre sur le long terme 10 – 20 ans. Des réunions avec la DREAL permettaient de faire avancer ces études.
J’ai participé aussi à des réunions pour le parc éolien sur le littoral cauchois et pour un futur terminal méthanier à Antifer (qui n’a pas abouti), à des réunions à Val de Reuil pour une extension possible de la Grande Noé avec des enjeux très différents, beaucoup d’acteurs et une pression anthropique énorme. J’ai travaillé avec le Port de Rouen sur des friches industrielles et le problème de leur évolution très rapide, avec l’aide de Fabrice Gallien. Aussi avec la commune de Rouen sur les jardins partagés, les coteaux boisés, les impacts du contournement autoroutier de Rouen etc. J’ai eu quelques échanges de courriels fort instructifs avec Frédéric Jiguet et Philippe J. Dubois sur les statuts de migrateurs de certains oiseaux comme la bernache du Canada.
Mais en 2000, quelques tensions locales se font jour peu après la création de la LPO Haute-Normandie qui eut pour conséquences de démobiliser localement certains adhérents du GONm. J’essaye de susciter des rencontres, des animations locales … quelques réunions régulières animées par Christian Gérard se passent à Sotteville-les-Rouen et je reprends le flambeau avec des réunions à la maison des forêts pour faire le lien entre la structure métropolitaine et la forêt. Céline Chartier a pu prendre le relais des animations en forêt et de certains relevés dans les zones portuaires.
J’ai grand plaisir à participer à plein d’enquêtes en alliant loisir et structure (le GONm), c’est parfois exigeant lorsque le protocole est contraignant, mais on peut relativiser et comparer cela aux pratiques sportives. Ainsi, j’ai trouvé sympa l’enquête rivières d’il y a quelques années, j’ai aussi rendez-vous tous les deux mois pour mon enquête Tendances, j’essaie de suivre la population de goélands urbains rouennais, la population d’oiseaux de la zone humide de Repainville, et l’enquête atlas a été pour moi un moment privilégié.
Les stages sont aussi sources de moments privilégiés : très formateurs. J’ai suivi celui en Pays de Caux, en Pays de Bray ; j’ai, par exemple, un souvenir mémorable d’un stage en baie du Mont Saint-Michel avec Luc Loison avec la découverte d’un dortoir de hibou des marais.
Mais, ne rêvons pas, l’ornithologie se fait souvent seul et l’organisation ne doit pas ralentir le processus de l’observation. Cependant, j’ai plaisir d’être avec d’autres gens pour le partage des connaissances et confronter les différences de perception.
J’ai arrêté ma fonction de vice-président au bout de dix ans pour des raisons de santé suite à un grave accident de voiture. Je ne suis pas encore à 100 % de mes capacités de déplacement et mon travail d’enseignant-directeur avec les petits devenait difficile. Aussi j’ai pris la direction d’une école plus grosse me permettant d’être de plus en plus en mode administratif. Ma retraite n’est pas pour tout de suite. Je refais de l’ornitho mais avec un rythme plus lent.
Je lis beaucoup : relecture des Géroudet / Hainard et des revues ornithologiques comme Le Cormoran, Alauda ou d’autres avec un accès internet facile. J’ai d’ailleurs beaucoup de plaisir à consulter Framaliste (ancien Cormoclic) et Obsnorm. Je lis aussi régulièrement les chroniques dans Le Cormoran. Par contre, si je lis régulièrement et précisément le Petit Cormoran, j’utilise irrégulièrement le site du GONm et le forum.
J’utilise aussi avec plaisir Faune Normandie sur le téléphone : c’est pratique pour enregistrer ses données, renseigner sa localisation et cela évite le recensement sur RSS, mais je garde toujours un petit carnet pour noter un comportement ou faire un crayonné rapide. Dans ces cas-là le smartphone est trop normé, tout ne rentre pas et je ne le consulte que peu pour les autres données. Je le trouve parfois envahissant.
Le GONm a un tropisme bas-normand voire manchois du fait de la richesse des milieux, des sites préservés et cette zone est très accueillante pour l’observateur. L’action du GONm est méritoire, efficace versus ce qui est réellement possible de faire. Il y a une spécialisation et une professionnalisation grâce à quelques universitaires qui travaillent avec les données des observateurs locaux de terrain. Aujourd’hui beaucoup de professionnels sont très pointus et utilisent les données, ce qui fait que les gens sont plus conscients de la nécessité de préserver la nature et de la conservation des oiseaux, mais la présence de ces « professionnels » peut, a contrario, diminuer l’engagement des bénévoles si le lien n’est pas assuré.
Animations :
Réel plaisir avec les associations de quartier, avec la maison des forêts... Grâce aux mises à jour du réseau d’animateurs dans l’agenda du GONm, il faut essayer d’en avoir un nombre régulier : en moyenne il y avait 30 animations par mois en Normandie il y a 15 ans et aujourd’hui seulement 20 ! C’est important de garder ces animations pour former les jeunes et aussi pour le plaisir.
J’ai lancé les émissions de radio sur France Bleue Normandie, puis j’ai passé le relais à Alain Gilles. Il faut maintenir ces petites émissions tous les jours à midi, dont la portée me paraît supérieure à celle de la télé. On les fait en coopération avec d’autres associations comme le Chêne.
A la télé, quelques émissions aux infos régionales sur le GCOJ avec Sylvain Ernou et Jean-Paul Richter ont été diffusées. Ces rencontres sont enrichissantes.
J’aime rencontrer les gens du GONm dans les milieux naturels très différents, des gens de culture sociale très variée comme ceux côtoyés à la préfecture, comme les chasseurs pour les réunions du GIP, comme les agriculteurs : grâce au GONm j’ai pu me rendre compte de la diversité sociale et de la diversité écologique. Mais, il faut admettre qu’actuellement l’aspect concret de la nature, l’observation scientifique et sensorielle de la nature sont en perte de vitesse.
Claire DEBOUT
- DEBOUT Claire
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21 - Mémoires du GONm ; les interviews du 50° anniversaire : Xavier Corteel
Claire, j’aime bien tes interviews, elles permettent de découvrir ou de mieux connaître des adhérents du GONm que nous ne croisons pas souvent, comme Philippe Gachet et plusieurs autres pour moi. C’est une très bonne idée d'avoir initié cette galerie de portraits.
Je suis né en 1947, j’ai donc 75 ans et, ma foi, ce n’est pas une mauvaise surprise quand ça arrive.
Je suis content car j’étais à Chausey il y a 15 jours et j’y retourne la semaine prochaine ! Je pensais pouvoir relever ce défi physique jusqu’à 60 ans, puis je me suis fixé une nouvelle limite d'âge à 70 ans, et la chance de savoir encore assurer la performance aujourd'hui me fait repousser l'échéance, pourquoi pas, à 80 ans. Tant que j'aurai les moyens de crapahuter sur les rochers, je prendrai un immense plaisir à l'aventure.
Enfance et jeunesse :
Je suis un adhérent atypique, normand accidentel : mes beaux-parents ont acquis une maison à Kairon-Plage près de Granville vers 1980 car le coin leur plaisait, l’ayant découvert à la faveur de vacances en location. Je ne connaissais pas du tout la Normandie avant de me marier. J’ai épousé une fille du Nord que j’ai connue avant nos 15 ans. Nous habitions Saint-Quentin, dans l'Aisne, et nos parents respectifs avaient une maison de campagne dans un petit village de la Vallée de l’Oise où nous passions toutes nos vacances et tous nos week-ends. J’étais le dernier de 10 enfants, 4 filles et 6 garçons dont 2 (plus âgés) et moi étions très soudés avec une passion commune pour la Nature, l’ornithologie en particulier, que nous avons pratiquée très jeunes. Nous avons mal commencé en étant des dénicheurs d'une compétence remarquable pour recueillir un maximum de pontes complètes destinées à enrichir notre collection d’œufs (que j'ai encore), mais nos connaissances en identification étaient médiocres.
Un jour, dans une exposition, nous rencontrons un exposant avec une collection encore plus fournie que la nôtre et dont toutes les pontes étaient étiquetées. Il s’agissait de Serge Boutinot, éminent ornithologue, qui se trouvait habiter le même faubourg que nous à Saint-Quentin. On échange, il sait identifier toutes « nos » pontes, nous restons en contact. C’est lui qui nous a initiés à une pratique plus raisonnable de l'ornithologie. Chef du centre régional du CRMMO, il a rapidement souhaité nous recruter comme bagueurs. A l’époque, au tout début des années 60, il fallait avoir 16 ans et, seul l'aîné des trois frères les ayant, il devint donc bagueur assisté des deux autres qui obtinrent à leur tour leur carte de bagueur (on ne parlait pas alors de " permis de bagueur ") à leur seizième anniversaire. Le baguage se limitait à l'époque à la pose d'une bague métallique sans aucun relevé biométrique. Nous avons eu quand même plusieurs reprises en France et à l'étranger, mais jamais de contrôle. Nous baguions un millier d'oiseaux par an, essentiellement des jeunes au nid, mais aussi des adultes au filet, principalement des rousseroles effarvatte et des hirondelles.
Le long du canal de la Sambre à l'Oise qui traversait notre village il y avait des roselières qui confortaient les berges. Nous les visitions sur une dizaine de biefs d'environ 2 km chacun. Nous longions les cordons de phragmites, chacun un manche à balai à la main, et écartions les roseaux pour en prospecter toute l'épaisseur. Il arrivait que le troisième trouve un nid que les deux autres n’avaient pas vu. A chaque découverte on notait " un nid à 3 œufs, un nid à … etc " et on revenait pour baguer quand les jeunes avaient la taille voulue. Tous les ans, nous avons eu la chance de baguer plusieurs coucous (parasite de l’effarvatte), quelques rousserolles turdoïde, et, occasionnellement un blongios nain. L'avifaune de la vallée de l’Oise était encore très riche.
Pour ce qui est des hirondelles, nous visitions la dizaine de fermes de notre village et celles de quelques villages environnants et l’on baguait au nid et au filet. Une ferme pouvait abriter plus de 100 hirondelles.
Mais nous n'avions pas de programme, pas de protocole. Nous avons bagué aussi dans notre jardin où courait une rivière, des bouvreuils, des martins-pêcheurs, des loriots et je repense avec nostalgie à cette richesse ornithologique que je ne retrouve pas aujourd’hui : le long du canal on a remplacé les roseaux par un rideau de palplanches pour soutenir la berge ! De même, chez nous il n’y a plus d’élevage, plus de chevaux, plus de bovins, et dans les cours de ferme le goudron a remplacé le fumier. Les villages sont maintenant trop nettoyés et dans ma région de grandes cultures je n’ai pas d’exemple d’espèce d’oiseaux qui augmente.
Reprise de l’ornithologie, les stages :
Je devais avoir tout juste 15 ans quand j’ai acheté ma première paire de jumelles à Paris. Mais vint une grande période où j’ai fait très peu d’ornitho : mariage, vie professionnelle prenante (direction d’entreprise de travaux publics), enfants ; il m’a fallu attendre l'approche de la retraite que j’ai prise à 60 ans pour renouer avec l’ornithologie grâce à une annonce de sortie ornithologique au havre de la Vanlée. Enthousiaste, j’attends d’autres stages comme celui de Carentan avec Régis Purenne et Catherine Burban. Je suis un adhérent récent d’il y a une vingtaine d’années seulement. Je participe aux stages de printemps à l’Ascension à Chausey pendant 7 à 8 années puis je privilégie les stages de baguage en juin ou juillet pour l’huîtrier pie et le goéland marin avec Fabrice Gallien et Gilles Le Guillou. Je suis allé aussi aux stages du Pays de Caux, dans le Pays d’Auge, à Saint-Marcouf, et j’ai suivi la formation ornitho organisée par Gérard Debout à Tatihou. Je participe activement au stage de la Saint-Michel des oiseaux migrateurs. Nous hébergeons un certain nombre de participants, les habitués de Chausey, dans notre maison familiale de Kairon ou chez Maryse Fuchs où s'organisent de bonnes soirées avec ceux qu’on appelle « la bande à Maryse ». Pour le 50° anniversaire du GONm on prévoit de faire une fête exceptionnelle.
La photographie :
Dès ma rencontre avec Serge Boutinot qui était un très bon photographe, il m’a initié à la photographie mais j’ai arrêté assez vite et n’ai repris que lors de mon propre renouveau ornithologique. Je cherche à faire de bonnes photos (sous l'aspect ornitho et aussi sous l'aspect artistique) mais c’est aujourd'hui un prétexte pour assouvir ma passion pour les oiseaux. Dans l’Aisne, j’ai, à 15 – 20 km de chez moi, deux marais privés et chassés où j’ai un accès privilégié avec l ‘autorisation de mettre un affût en vasière, quelle chance. En juin, j’ai trouvé un nid de foulque avec cinq œufs dans un de mes affûts : plus encore qu'observer, je cherche au marais à vivre avec les oiseaux , je deviens contemplatif. L’ornithologie est pour moi un dérivatif heureux à la violence du monde, j’y puise une respiration intime contre les travers du monde moderne. L'affût en particulier permet cette communion avec la nature, cette connexion avec le vivant qui tient de la démarche philosophique dont Sylvain Tesson fait si bien l'éloge dans " La panthère des neiges ". J’ai de bonnes relations avec les chasseurs qui aiment la nature, on partage des points communs et leur parler peut faire évoluer les mentalités. Je leur ai montré mes photos, leur en ai donné, cela leur a ouvert les yeux sur leur avifaune. Ils chassent surtout les canards et ne tirent pas les limicoles, j’ai une petite influence comme Alain Chartier dans les marais ou comme Gérard avec les pêcheurs de Chausey. J’ai fait beaucoup de photos de limicoles et j’avoue avoir une faiblesse pour le chevalier arlequin et le chevalier sylvain qui comptent parmi mes oiseaux préférés.
Je n’ai jamais vendu de photographie mais j’en ai donné pour rendre service et j’ai repris la gestion de la photothèque du GONm pendant 6 ou 7 ans. J’en ai formalisé l’accès facile en ligne mais j’ai été contraint de stopper assez brusquement car mon hébergeur a fermé du jour au lendemain. J’ai réalisé un petit agenda pour les membres du GONm avec mes photos. Je suis connu comme référent photo et suis encore sollicité pour insérer des photos dans des études du GONm. Jacques Rivière avait paru intéressé pour reprendre la photothèque mais il n’était pas encore en retraite et n’a pas mordu.
Mon gendre Lionel est lui aussi féru de photos et s'est passionné pour l'ornithologie, il est venu plusieurs fois à Chausey et il est revenu cette année pendant 3 jours avec sa fille de 10 ans qui s'est montrée enthousiaste pour le baguage.
Bienfaits du GONm :
J’y trouve mon compte pour l’ornithologie avec les stages, les sorties, les animations. Ce qui m’a plu c’est l’accueil sans différence des débutants ou des pros. J’y ai trouvé aussi de solides amitiés profondes aussi bien auprès de bénévoles que de salariés de l’association.
Aujourd’hui, je passe aussi du temps à la lecture de bagues à Chausey et à l’embouchure du Thar, cela me plaît bien et c’est Fabrice Gallien qui répercute les données aux bagueurs. J’ai participé avec lui à la pose de balises sur les huîtriers pies : 2 balises en 2021 et 7 en 2022. C’est intéressant pour l’étude des mouvements locaux et des échanges entre zones de nourrissage, nids et dortoirs. Par contre les programmes de baguage des cormorans huppés et des grands cormorans sont arrêtés.
Le GONm m’a permis de faire d’énormes progrès en ornitho, j’ai découvert les oiseaux marins et côtiers mais je suis et reste un amateur ; je n’ai pas une oreille très performante et ma vue commence à baisser un peu. Je m’autosuffis avec mes deux marais me permettant de poser mes affûts de photographe.
Quelques meilleurs souvenirs :
Vers mes 15 ans, j’étais presque bagueur, passionné d’oiseaux et aussi de pêche, entraîné par un 4ème frère qui lui était « pêche » à fond. Dans mon village il y avait encore des truites fario que l’on allait repérer sur nos parcours de pêche. Au printemps, les truites « mouchent » pour attraper les insectes en surface. On en avait repéré une qui mouchait toujours au même endroit ! elle était sous un nid de troglodyte ; les adultes venant nourrir au nid perdaient parfois un insecte ou une larve, vite et bien récupéré par la truite. On va voir en traversant la rivière et je ramène au bord, dans ma chaussure de pointure 37, 5 à 6 jeunes bien cachés au fond, que j’ai bagués.
Beaucoup plus tard avec Fabrice Gallien lors des débuts du baguage des jeunes huîtriers- pies, sur Grande Enseigne à Chausey, je n’avais pas encore beaucoup d’expérience : il fallait observer les adultes qui venaient nourrir leurs jeunes toujours au même endroit, le jeune sortait de sa cachette, mangeait et hop repartait et … avec un peu de chance on le retrouvait après quelquefois une demi-heure de recherche, mais quel bonheur ! On en retrouvait environ un sur trois.
L’ornithologie est une grande source de satisfaction. Sur ma maison j’ai un nichoir à crécerelle et hier j'entendais les cris des jeunes qui s’émancipent en volant au-dessus du jardin : là encore, que du bonheur.
Je ne réside pas en Normandie, donc je n’utilise pas Faune-Normandie. Mais j’observe rarement seul, aussi mes observations sont répercutées par d’autres. Je vais régulièrement sur le site du GONm, un peu moins sur le forum.
Le GONm évolue mais garde ses grands axes que je trouve les plus pertinents comme les grandes actions sur les réserves, sur la sauvegarde des milieux. Le GONm a des statuts qu’il faut respecter. Le GONm a une notoriété non négligeable, l’ambiance entre les adhérents est exceptionnelle et il faut que cela perdure. Évidemment, il faut tout faire pour augmenter le nombre de jeunes adhérents, ce qu’entreprend Didier Desvaux avec le début du GONm junior. Je suis un peu inquiet sur l’évolution, il me semble indispensable de conserver les acquis depuis 1986, quand se fera la succession des plus actifs.
Claire DEBOUT
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22 - Mémoires du GONm ; les interviews du 50° anniversaire : Thierry Grandguillot
J’ai 58 ans, originaire de Ducey dans le sud de la Manche. J’ai toujours aimé la nature, même jeune enfant. Vers 10 ans, je souhaitais mieux connaître les oiseaux grâce à ma première paire de jumelles, mais les identifications étaient difficiles : je n’avais à l’époque que de mauvais livres qui mélangeaient pour certains les oiseaux européens et les oiseaux exotiques, pour d’autres les oiseaux nuisibles et les oiseaux utiles (vocabulaire bien daté maintenant !), ou encore qui présentaient des oiseaux connus mais pas très fréquents comme les aigles, en oubliant la buse pourtant beaucoup plus commune.
C’est vers l’âge de 12-13 ans que j’ai pu lire le guide du Reader Digest (paru en 1971), dans lequel j’ai pu apprendre beaucoup, avec de bons dessins, des cartes de répartition. C’était un peu moins facile quand il y avait deux espèces sur la même page. Puis, j’eus le Peterson, guide de référence fiable avec de bons dessins, des cartes, les noms en langue étrangère, les descriptions des cris et des chants.
J’étais très ami avec Paul Ligot d’Avranches avec lequel nous nous sommes initiés à l’ornithologie – recherche, c’est-à-dire chercher à identifier un oiseau en l'observant : par exemple cet oiseau brun-grisâtre, souvent sous les pommiers, c'est un gobemouche gris. Seul, c’était moins bien et plus difficile !
À la fin du guide du Reader Digest, j’ai trouvé l’adresse du GONm dans la bibliographie. J’ai écrit pour demander un bulletin d’adhésion et, de fait, je me suis inscrit. Je pense que c'était en 1978.
J’ai rencontré Olivier Dubourg, sur la côte. J’ai fait plusieurs stages de la Pentecôte avec Bruno Lang. J’ai aussi participé, vers 14 ans, à deux ou trois stages à Chausey avec la SEPNBC, organisés par Lucienne Lecourtois. Ces stages étaient pluridisciplinaires : on apprenait aussi à reconnaître les algues avec leurs noms scientifiques, avant qu’elles ne passent à la casserole comme la laitue marine.
Vers la même époque, j’ai reçu un jour une enveloppe, faite avec une feuille repliée, en papier recyclé, m’invitant à une réunion GONm à Avranches avec Jean Collette. L’invitation venait de Luc Loison. Je me souviens de discussions autour de la linotte à bec jaune, sa reconnaissance, sa répartition et ses lieux d’observation.
Avec Luc, j’ai fait les deux stages par an qu’il organisait à Pontorson, l’un en décembre, l’autre en février. J’y ai rencontré beaucoup d’ornithologues comme Joël Pigeon (par la suite responsable à l’ONCSF pour le département du Calvados). Je me souviens de l’observation d’un groupe de cygnes que l’on a scruté pour déterminer si c’étaient des Bewick ou des cygnes chanteurs, et il s’était avéré qu’il s’agissait d’un groupe mixte ; et aussi d’un groupe de 100 à 200 chevaliers combattants, ce qu’on ne voit plus aujourd’hui.
Évidemment, un de mes maîtres est Jean Collette, avec qui on comprend ce qu’on ne comprenait pas 5 minutes avant. Il m’a fait saisir que l’observation est le plus important, pas besoin d’être savant. Il sait nous aider à mettre en relation l'oiseau avec certains éléments de son environnement, avec la période de l'année, arrivant ainsi à une meilleure compréhension de l'espèce, souvent aussi de l'individu.
J’ai aussi découvert le site de Carolles où j’ai observé les vols, les flux migratoires, avec l’impression d’être au sein d’un phénomène planétaire. Sébastien Provost et Matthieu Beaufils sont pour moi les oreilles d’or de Carolles. On peut progresser mais… il faut réapprendre les cris de vol des oiseaux migrateurs les plus rares tous les ans et être persévérant. J'ai passé plus de temps à partir dans la nature au hasard : pour moi, l’oiseau c’est le rêve. Dans une forêt, c’est un bain sonore, une ambiance, c'est un rêve spirituel qui me parle, un peu comme Saint-François d’Assise qui dialogue avec les oiseaux. Je ne suis pas assez scientifique pour me contenter d’observations sèches et précises.
Les contraintes scientifiques ne vont pas à mon caractère, il ne me faut pas trop de répétitions. Je ne fais pas l’enquête Tendances, au protocole contraignant pour moi. Je ne suis pas non plus un cocheur. Une belle observation de moineau me comble plus que la vue, souvent fugace, d’un bécasseau minute. J’arrive mieux, à présent, à noter mes observations avec Faune – Normandie à l’aide de mon téléphone, mais je garde quand même un carnet pour noter des comportements intéressants.
Je participe aux décomptes des limicoles en baie du Mont Saint-Michel avec Fabrice Cochard. Il y en a trois ou quatre par an. Sur les herbus, on rencontre la bergeronnette flavéole, la gorgebleue, le pipit farlouse avec les limicoles mais aussi des rapaces, des huîtriers-pie et des laridés. Pour ces derniers, l’identification est parfois difficile mais l’observation des déplacements entre la baie du Mont Saint-Michel et le fond de vallée est fascinante. Je conseille d'observer le départ des mouettes rieuses de leur dortoir avant le lever du jour. Les premières passent au ras de l’eau, formant un véritable tapis silencieux et, subitement, la présence d’un pont les oblige à remonter au-dessus pour redescendre au-delà. Puis quand le jour commence à poindre, elles s’élèvent progressivement : magnifique spectacle ! Je trouve qu’il y en a moins maintenant, c’est Fabrice qui les compte.
Le Café Ornitho à Avranches, initié par Sébastien Provost, permettait des rencontres de 15 à 25 personnes une fois par mois. On donne des nouvelles de la baie, puis on présente un groupe d’oiseaux pour étudier, par exemple, les différents plumages de certaines espèces. Au départ de Sébastien, j'ai pris le relais mais seulement une fois tous les deux mois. Je suis aidé par Françoise Corbeau, Sébastien Crase, Luc Loison et Fabrice Cochard. Nous avons quitté le café pour nous réunir dans une salle communale plus pratique pour les vidéoprojections, et moins bruyante. Les participants ont contribué financièrement à l’achat du vidéoprojecteur qui est toujours fonctionnel et que Fabrice utilise pour ses animations scolaires.
Nous faisons aussi des animations en Avranchin depuis environ 20 ans, animées par Jean Collette, Luc Loison, Sébastien Crase et moi-même. Elles sont mensuelles, mais avec une pause en été. Nous avons créé un blog depuis 10 ans pour y mettre les comptes-rendus des sorties (https://gonmsmanche.blogspot.com/). Cette régularité permet de mieux connaître les gens et d’avoir régulièrement de nouvelles adhésions. Mais certains ne progressent guère, dommage !
C’est pourquoi nous proposons, depuis un an, une « formation-débutants » sur le modèle des formations établies par Didier Desvaux dans le Calvados. Nous donnons rendez-vous aux stagiaires une fois tous les deux mois pour leur transmettre les bases de l'ornithologie, les familiariser par exemple avec Faune Normandie et son application NaturaList. Nous organisons des sorties dans différents milieux, un week-end dans la Hague en mars pour observer les hivernants et les premiers migrateurs. Nous avons pu proposer aux stagiaires une participation à une formation sur les limicoles côtiers à Cherrueix, en collaboration avec Bretagne Vivante. Nous avons également présenté l’enquête Tendances. Le besoin de cette initiation est très fort puisque la nouvelle formation, qui débute en septembre 2022, est close : nous avons même eu des gens de Seine-Maritime qui voulaient venir ! Une action similaire dans la région rouennaise trouverait son public. Pour fonctionner, il est nécessaire d’être plusieurs afin de se remplacer, lorsqu'un organisateur a un empêchement.
J’ai déjà parlé de mes rêves, je dois ajouter que j’ai une certaine fascination pour le vol, en particulier les vols irréguliers comme ceux des sternes qui piquent pour pêcher, des bergeronnettes qui semblent follettes. L'étourneau qui, en général, file droit me fait moins rêver, sauf quand il nous offre ses ballets virevoltants le soir pour rejoindre ses dortoirs : quelles figures étonnantes ! En Espagne, j’ai eu la chance d’observer une huppe qui volait dans une trouée de soleil, au débouché d'un chemin, cela ressemblait à un ballet artistique.
De plus, je lis beaucoup, je relis les Géroudet, des monographies sur certaines espèces.
J’ai mis en place une animation de construction de nichoirs qui marche bien ; j’aime travailler le bois (mon père était menuisier). C'est un bon support pour les animations. Les plans de ces nichoirs sont simples, le bois peu cher quand on choisit de la volige ou des planches de bardage. J’ai acheté un tournevis sur batterie, seul achat consacré à ces animations. L’intérêt de ces ateliers de construction de nichoirs réside dans la curiosité des personnes, même peu intéressées par l'ornithologie, qui viennent faire du travail manuel. Ils veulent faire une action pour la nature. Au cours de cet atelier, nous avons une bonne demi-heure au cours de laquelle nous discutons et pouvons présenter les oiseaux, l'association, l'état de la nature... Finalement, les menuisiers en herbe repartent avec leur nichoir pour 5 euros (4 pour les adhérents du GONm), ce qui couvre mes frais.
J’ai une assez bonne oreille : j’aime la musique des chants d’oiseaux. J’ai appris seul. Je trouve que la mémoire auditive est plus efficace lorsque l'écoute d'un nouveau chant est associée à un endroit, une situation précise. Je retiens mieux un chant d'une fauvette si je l'ai vue dans son milieu que si j'ai écouté, même très attentivement, ce chant sur Xéno-Canto. Mais certains oiseaux restent rétifs à mon oreille : la linotte, le chardonneret, ou les différents pipits. Autre difficulté : le repérage, au moment de la migration, d'un cri particulier au milieu d'une quantité d'autres cris, comme un pinson du nord solitaire au milieu d'une grosse troupe de pinsons des arbres !
Pour moi, la relation à la nature c’est par les oreilles avant les yeux, par le cœur avant l'intelligence.
Claire DEBOUT
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23 - Mémoires du GONm ; interviews du 50° anniversaire : Jean-Marc Joly
Rennais de naissance je suis "tombé" dans la marmite ornithologique dès mes années " collège" où je fréquentais un club "nature" animé par mon prof d'EPS d'alors.
J'ai adhéré assez tôt à la SEPNB et à Ar Vran où j'ai été à bonne école avec Jo Lelannic et Fanch Pustoc.
Je me suis plongé dans les "Géroudet" que j'ai achetés avec mon argent de poche d’alors, Géroudet, un "grand" qui a façonné mon engagement pour les oiseaux :
Passionné dès son plus jeune âge par la nature il se met à l'ornithologie en autodidacte vers l'âge de 15 ans.
Il va écrire des ouvrages qui vont devenir de véritables bibles dans le domaine : "Les Échassiers" (1942), "Les Palmipèdes" (1946), puis trois volumes "Les Passereaux" (1951, 1954 et 1957).
Il va adapter le fameux « Guide des oiseaux d'Europe » de Peterson, Mountfort et Hollom paru en 1954 qui marque d'une pierre blanche l'évolution de l'ornithologie de terrain dans les pays francophones. J'ai toujours la 9ème édition. La 13ème édition, parue 52 ans après la première, compte 534 pages, soit près de 200 pages de plus que la première. A l'époque, seul l'ouvrage "Les oiseaux dans la nature" de Paul Barruel (1901-1982) paru aux éditions Payot, en 1949, pouvait servir à la détermination sur le terrain, malgré l'absence de couleur dans la représentation des oiseaux dans cet ouvrage, excellent par ailleurs.
Lors de l'adaptation du guide de Peterson, Paul Géroudet a été le premier à traduire les cris et les chants d’oiseaux par des syllabes et des onomatopées, différentes selon les langues. Que d'évolutions maintenant avec les applications téléchargées sur les smartphones. Evolution certes, mais quel plaisir toujours renouvelé d'identifier sans outil les fauvettes et autres roitelets.
J'ai adhéré au FIR (Fonds d'intervention pour les Rapaces) où j'ai eu là aussi de belles expériences ornithologiques dans la surveillance des aires de busards en Beauce, d'aigles de Bonelli en Luberon (je n'ai jamais eu aussi froid de ma vie sous ma petite tente : il faut dire que nous étions fin février en altitude...), de balbuzards en forêt d'Orléans. J’ai toujours en tête des images de balbuzards venant se rincer les serres après avoir décortiqué une carpe, de faucon pèlerin dans les Vosges et, à côté des spectacles des adultes nourrissant les jeunes, je me souviendrai toujours d'un chamois peu farouche qui fréquentait le site.
Étudiant en sciences à l'Université de Rennes j'ai accompagné des groupes pour des voyages ornithologiques pour le compte d'une association qu'avait monté un ami étudiant. Les voyages m'ont emmené au Québec, en Irlande, en Espagne, en Ecosse. Plein de bons souvenirs là aussi : les îles Skellig et les falaises de Moher en Irlande (214 mètres de haut !) ...
Chez les oiseaux ce qui me fascine entre autres c'est la migration. Cette fascination m'a amené à fréquenter des sites majestueux comme Gibraltar, Bosphore, Cap Bon, col d’Organbidexka où j'ai passé plusieurs semaines en détachement lors de mon service civil que j'ai fait à la SEPNB. J'ai fréquenté d’autres sites comme Leucate, Gruissan, pointe de Grave et ... Carolles.
Je suis arrivé en Normandie à l'occasion de la 2ème année d'un service civil que j'ai fait au sein de l'association Le Fayard qui n'existe plus maintenant ; j'ai adhéré au GONm et j'ai intégré le CA pour prendre en charge le dossier « poteaux ». Fort de l'expérience des bouchages menés en Bretagne je me souviens des excellentes relations d’alors avec France Telecom en Basse Normandie, soucieuse, il faut le dire, de ne pas ternir son image. Des milliers de poteaux dans le cadre d'une convention ont été bouchés par de nombreux bénévoles éliminant de fait de la nature des milliers de pièges mortels pour l'avifaune.
J'habitais à l'époque le presbytère de Catz. La pointe de Brévands et la baie des Veys n’avaient plus de secrets pour moi. Je monte un petit club CPN pour faire découvrir la richesse ornithologique du coin aux enfants. Leurs parents m'en reparlent encore : le spectacle du vol du hibou des marais, les aménagements pour la chevêche dans les granges des polders, pour les échasses dans les prés humides …
En 1994, signature d’une convention avec le SMET (maintenant SYMEL) et le CEL pour créer la réserve de Brévands et j’en suis le conservateur. En 1998, Jocelyn Desmares prend ma suite.
Ma militance au GONm m'a amené à le représenter à Ménigoute au Festival International du Film Ornithologique que j'ai fréquenté assidûment pendant de nombreuses années.
Je me souviens aussi m’être investi pour la carrière de Fresville en intervenant auprès des Ciments français avant qu'elle ne devienne propriété communale. Le site n'est pas devenu ce que j'aurais souhaité mais cela demeure un site très intéressant, pour les fauvettes en particulier.
Un autre grand souvenir est le séjour à Aurigny pour le 40ème anniversaire du GONm. Parcourir l'île à vélo, le camping...Le contact fugace avec le faucon pèlerin... tant de bons souvenirs.
Je me suis investi dans les enquêtes. La recherche et l'écoute du râle des genêts dans le marais du rivage à Auvers par nuit de pleine lune avec Alain Chartier restera pour moi une grande expérience ; de même que la recherche du busard cendré, emblème du Parc naturel, et la confrontation avec les chasseurs en chasse dans son territoire.
La passion des oiseaux, des mammifères m'a amené logiquement à la protection de l'environnement et à la préservation de la biodiversité. J'ai été animateur naturaliste en forêt de Cerisy et dans les marais du Cotentin pour faire connaître et apprécier la nature et peu à peu je me suis rendu compte que cela ne suffisait pas.
Farouchement opposé à certaines pratiques de chasse, j'ai représenté le GONm au sein du conseil départemental de la chasse. Pas beaucoup de résultats. Je ne garderai pas de bons souvenirs de mes confrontations avec le président des chasseurs de la Manche d'alors...
Installé à Hémevez dans le Cotentin depuis presque 30 ans, j'ai rapidement mis mon verger en refuge (il parait que j'ai signé la 1ère convention en 1995) et j’approuve sans réserve les acquisitions que font les associations, dont celles du GONm évidemment. Cela demeure à mon avis désormais la seule solution de préservation des espèces.
D’animateur je suis passé prof : un beau métier où là aussi on peut agir. Mes anciens élèves me parlent encore des classes transplantées où on écoutait les chouettes à la nuit tombée à Hémevez.
Le militantisme associatif m'a amené à la politique pour agir autrement. Je me suis investi dans différentes campagnes, départementales, législatives. Je suis devenu maire de ma petite commune où j'ai tenté d'agir au quotidien pour ces valeurs qui m’habitent.
Je vais maintenant laisser la place à d’autres ; je pense avoir fait le tour de la fonction, parfois désabusé par ce spectacle affligeant que donnent des élus et leurs décisions. Je suis effaré par le hiatus existant entre des positions et décisions et les réalités au niveau de la biodiversité. On entend des élus dire qu'on est envahi de cigognes, que les cygnes tuberculés pullulent dans les marais, etc.
Des élus très influents veulent que l'on poursuive les pompages à Baupte, les autres veulent que l'on en fasse une zone "touristique". Les comités de pilotage Natura 2000, les bureaux des SAGE sont manipulés par des élus ou des "usagers" plus soucieux de pouvoir arriver à leurs fins en matière d'urbanisme, de "loisirs" que par l'objet de ces dispositifs.
Je veux revenir à mes premières amours : le militantisme associatif ; et je reprends un plaisir immense à sortir avec ma paire de jumelles et la longue vue en compagnie d'autres ornithos. Je retrouve le plaisir d'écouter et d'identifier les oiseaux.
A côté de l'acquisition de données qu'il faut poursuivre, il nous faut investir le champ de la communication et de l’éducation. De belles initiatives ont été mises en place comme les sorties pour les débutants. Il faut les faire connaître et s'afficher "GONm". Dans les réunions d'élus que j'évoquais plus haut on parle, dans les usages de nature, des chasseurs (qui exercent toujours une grande pression sur les espèces malgré ce qu'ils nous font croire), des pêcheurs mais pas des naturalistes qui œuvrent pourtant pour le maintien de la biodiversité. Dans les collectifs d'éducation à l'environnement on ne voit pas les naturalistes et pourtant Dieu sait si leur parole est essentielle !
Quand je ne serai plus maire je veux bien m'attacher à cette tâche de faire reconnaître le GONm et ses actions !
Claire DEBOUT
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24- Mémoires du GONm ; interviews du 50° anniversaire : Luc Loison
Quand j’ai commencé à travailler et à avoir quelques sous, je me suis intéressé aux oiseaux par choix et j’ai cherché l’adresse d’une association ornithologique. J’ai trouvé celle du GONm dans le guide du Reader’s Digest, j’ai écrit pour obtenir des renseignements, de la documentation et un bulletin d’adhésion. J’ai adhéré en 1975. J’ai commencé à identifier seul les oiseaux avec le guide Peterson.
A la Toussaint 1975, j’ai participé à un stage organisé par Lucienne Lecourtois à à Saint-Martin-de-Bréhal/50 sous l’égide de la SEPNBC. C’était un stage d’observation et de baguage pour apprendre à identifier les oiseaux, j’y ai rencontré Jean Collette. Lors de ces stages, il y avait une transmission des connaissances beaucoup plus rapide et efficace que quand on est tout seul. J’ai découvert les champignons dans un stage en forêt de Cerisy et j’ai fait en février 1976 mon premier stage à Chausey : c’était le paradis.
Le GONm m’a permis de connaître les adhérents locaux comme Ghislain Rousselle de Servon à 8 km de Pontorson. C’était un géologue célibataire avec du caractère, qui étudiait les oiseaux depuis l’enfance dans sa propriété « Le Bois Chicot ». Nous sommes souvent sortis ensembles, il avait bon pied bon œil et venait régulièrement aux stages que j’organisais. Il m’a fait connaître les coins intéressants du sud de la Manche comme le marais de Sougéal, les abords de la baie du Mont Saint-Michel et m’a transmis ses connaissances.
Fin 1979 – 1980, avec Jean Collette, j’ai rencontré Thierry Grandguillot, Olivier Dubourg, Paul Ligot, Yves Grall, Branjonneau etc. En 1975, j’ai acheté ma première paire de jumelles Asahi Pentax, et en 1977 une lunette Mirador achetée à Paris, me permettant de faire des observations en BMSM sur la réserve de chasse, après 9 km à vélo. Cette réserve est un spot pour les oiseaux rares, j’y ai vu le faucon pèlerin en hiver, à l’époque où il était encore rare, j’y ai vu aussi le balbuzard pêcheur et les premières spatules hivernantes.
Comme j’aime acquérir et faire passer de nouvelles connaissances, que j’aime l’ambiance stage, dès 1979 j’ai organisé des stages en BMSM, à l’auberge de jeunesse de Pontorson comme ancrage. J’ai fait ma publicité par la voie du Petit Cormoran et ça a intéressé pas mal de monde. J’en fais un ou deux chaque hiver pour sensibiliser à la protection, à l’environnement. J’ai également organisés des stages d’observation dans les années 1990 et début 2000 à Chausey, malheureusement j’ai dû cesser suite aux tracasseries du CEL.
Après deux années de pandémie il a fallu reconstruire, donc à nouveau organiser et gérer les stages. L’îlot de Tombelaine, près du Mont Saint-Michel depuis toujours m’intriguait. Je voulais y aller, mais ma mère inquiète exigeait que je n’y aille pas seul car la baie lui faisait peur. J’avais 17 ans lors de ma première visite du site j’avais l’impression d’être Robinson Crusoé. Par la suite , je le fréquentais avec Daniel Demutrécy et André Leflamand, nous y avons passé la journée entière pour se laisser entourer par la marée. C’était en 1976, le 14 novembre, et on a observé les premières bernaches cravants et aussi une hirondelle rustique ! Depuis, une fois par an, ils viennent tous les deux fidèlement faire le décompte des nicheurs sur Tombelaine. J’y suis allé aussi avec un copain, Renaud Leroy (parti en Bretagne), pour faire le comptage des premiers oiseaux nicheurs en 1985, goélands et tadornes.
Avec le GONm, j’ai travaillé à la protection de Tombelaine en créant une réserve après la rencontre avec le maire de Genêts, Monsieur Henri Tropée qui m’a bien accueilli malgré la pression des chasseurs locaux. Le GONm a donc signé une convention pour créer une réserve libre en échange de l’envoi des résultats des comptages. Ensuite, pendant 30 ans on a fait ce qu’on voulait pour la gestion et en particulier on a assuré la dératisation avec 25kg de grains la première année. Dès lors, la végétation s’est mise à pousser de façon importante et il a fallu entretenir les chemins, ce qui a été fait par des bénévoles tous les ans en octobre. Cette gestion collective nous a permis de voir l’évolution de l’avifaune : de 3 espèces de goélands, du tadorne de Belon, l’accenteur mouchet, le merle noir et le troglodyte mignon, nous sommes passés à de nouvelles espèces comme l’aigrette garzette qui s’est installée en 1997 (une surprise pour nous tous), le héron garde-bœufs en 2008 et le faucon pèlerin en 2012. De 4 couples en 1997, le nombre d’aigrettes nicheuses est passé à 200 couples en 2010, le nombre de garde-bœufs varie de 10 à 50 couples suivant les années, faisant de Tombelaine un site ornithologique majeur.
De 1985 à 2021, le GONm a agi à Tombelaine, c’est une remarquable histoire collective, plusieurs centaines de bénévoles ont participé avec moi à cette gestion, se sont investis et je me considère simplement comme un chef d’orchestre pour gérer correctement, entretenir les chemins en débroussaillant, continuer la dératisation en cas de besoin.
Depuis que je suis à la retraite, je me suis passionné pour les hirondelles, d’une part les hirondelles de rivage dont j’étudie les colonies le long de la Sée et de la Sélune et dans les dunes de Genêts et, d’autre part, les hirondelles de fenêtre d’Avranches et aussi dans le sud de la Manche. En 2018, j’ai couvert (à vélo) 110 communes. Beaucoup de communes n’ont pas d’hirondelles car il faut qu’il y ait de la boue pour la construction du nid, comme dans les communes proches de la BMSM. Un article est paru en début d’année dans Le Cormoran n°90.
Les balades dans Avranches, le nez en l’air pour les hirondelles, m’ont permis d’observer le faucon pèlerin nicheur dans la basilique Saint-Gervais : c’est, en 2022, la deuxième année qu’il élève 4 jeunes. Le plus drôle a été la chute inopinée d’un pluvier doré sans tête aux pieds de Jean Collette, ou pire, un pigeon sans tête tombé sur la table de clients d’un restaurant, horreur ! mais, maintenant c’est source d’animations, d’articles de presse etc.
Enfin, un noyau d’habitués constitue, depuis 20 ans, la base des sorties en Avranchin : Jean Collette, Thierry Grandguillot et plus récemment Sébastien Crase. Thierry continue de faire vivre le café ornitho créé par Sébastien Provost. C’est l’occasion de parler des nouvelles de la baie, des activités des uns et des autres, des sorties programmées ; mais, cela demande de la préparation sur l’ordinateur portable, la rédaction de comptes-rendus sur le blog dédié (https://gonmsmanche.blogspot.com/) et donc nous espérons par ce biais faire de nouveaux adhérents mais qui s’investissent, qui se retroussent les manches.
Par goût, je ne suis pas un cocheur et j’aime observer l’avifaune locale, avec un intérêt particulier pour la baie du Mont Saint-Michel, accessible de façon raisonnable avec mon vélo. J’ai posé des mangeoires et des nichoirs dans mon jardin. Et je commence l’écriture d’une synthèse sur l’avifaune de Tombelaine, ce qui est très important pour moi au vu du changement de statut de cette réserve. Écrire est important pour témoigner et garder une trace des connaissances, comme l’avait fait en son temps G. Rousselle en 1990.
Je participe aussi activement aux enquêtes comme Tendances, l’enquête Haies, les oiseaux marins nicheurs, l’atlas etc. Et, en 2023, je coordonnerai l’enquête hirondelle de rivage en Normandie.
Je suis aussi un utilisateur régulier du forum sur le site internet, qui permet de partager l’information.
L’ornithologie m’a permis de donner un sens à ma vie et de rencontrer beaucoup de personnes formidables.
Longue vie au GONm
Claire DEBOUT
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25 - Mémoires du GONm ; interview du 50° anniversaire : Christiane Hémery
Je suis une pure normande née en 1951 à Pont-l’Evêque, puis résidant dans un immeuble à Lisieux jusqu’à l’âge adulte. J’étais attirée par les animaux mais il n’y en avait pas près de chez moi et j’ai lu des revues animalières et ai regardé les émissions de Frédéric Rossif à la télévision sur la vie des animaux. Ma famille n’était pas initiée à la nature mais tous les ans j’allais en vacances dans la ferme de mes grands-parents à Hambye. C’était la campagne des années 1950 et ce contact avec les animaux de la ferme m'apportait beaucoup de plaisir mais pas de réflexions particulières.
J’ai commencé à travailler à Caen en 1978-1980 comme orthophoniste et j’ai rencontré Françoise Madec qui comme moi militait à Amnesty International. Elle m’a incitée moi et mon amie Dominique Benoist à venir au GONm. Nous y avons trouvé notre compte rapidement par la possibilité d’observer les oiseaux mais aussi la botanique, les insectes et de fréquenter des personnes qui avaient une connaissance naturaliste globale comme Peter Stalleger, spécialisé en insectes et mammifères. Je suis devenue rapidement adhérente au Groupe Mammalogique normand comme François Riboulet.
J’ai tout de suite adhéré aux buts du GONm : observation des oiseaux, connaissance et protection des milieux, ce qui convenait à ma fibre écologique. Dans les années 1980, le groupe était homogène en âge et j’ai souvenir de bonnes ambiances lors des week-ends de la Pentecôte où nous étions, petits et grands, immergés dans la nature. Il y avait des observateurs de pointe, des spécialistes, j’ai beaucoup appris. Bruno Lang nous formait aux chants pour les passereaux pour pouvoir ensuite être capables de faire les enquêtes, ce qui m’a permis de participer aux deux premiers atlas. Pendant au moins 10 ans, j ‘ai fait tous les stages où j’ai côtoyé aussi Sophie Akermann avec sa très bonne oreille.
Les stages de l’Ascension à l’école de voile de Chausey étaient aussi de bonnes occasions de convivialité lors des soirées fruits de mer après les comptages des goélands avec les Bizet, les Debout et les Desvaux. J’ai aussi « expérimenté » les stages au vieux sémaphore sans eau ni sanitaires en hiver avec Françoise Madec et aussi Fabrice Gallien. Gérard Debout avait les cartes de la répartition des îlots qu’il connaissait par cœur.
Tous ces divers stages m’ont donné le goût des voyages naturalistes et m’ont incité aux lointaines destinations comme l’Ouzbékistan, l’Equateur, le Costa Rica et bien d’autres où je cumulais les découvertes culturelles et les découvertes naturalistes. Le Costa Rica m’a laissé le souvenir d’une très belle destination pour appréhender une protection de la nature efficace. L’Estonie nous a permis de voir beaucoup de migrateurs mais il faisait un froid sibérien exceptionnel sans dégel ; aussi nous avons vu beaucoup d’oiseaux marins et aussi des pics, le grand tétras, des chouettes, mais pas le jaseur boréal !
Aujourd’hui je fais moins d’enquêtes mais j’ai, l’an dernier à Reviers, commencé des sorties avec initiation aux chants d’oiseaux communs. La nouvelle propriétaire du château de Reviers est intéressée par les fleurs et m’a demandé de faire une initiation oiseaux. J’ai pris contact avec l’office de tourisme de Courseulles et je fais donc ces animations bénévolement. La pub pour ces animations a été faite sur le site de l’OT et aussi sur le site du GONm. J’ai eu quelques dames qui avaient suivi des animations de Bruno à la prairie mais elles sont intéressées surtout par les oiseaux du jardin.
La propriétaire vient de vendre le château et j’espère que le nouveau propriétaire sera lui aussi intéressé. Mais, si le GONm a besoin, je suis prête à faire des initiations aux chants avec Didier Desvaux lors de ses formations ou pour le GONm junior à raison de une sortie par mois sur cinq mois.
J’ai assuré le rôle de secrétaire du GONm fin 2000 (succession de R. Lery) - 2002 au début d’internet et pour moi ce fut difficile. C’était aussi le début des réunions téléphoniques du bureau ce qui était plus facile pour les personnes éloignées sachant qu’il y avait, comme aujourd’hui, une réunion par mois. Je prenais des notes, faisais un compte-rendu, envoyais les rapports, j’étais là au moment du pic des adhérents quand leur nombre était supérieur à 1000. Et 10 salariés déjà, il fallait discuter des postes, des congés etc. Ce fut une bonne expérience mais cela ne correspondait pas à mes compétences informatiques ni à mes goûts, je préférais évidemment le terrain.
En 1996, il y avait sur la commune de Fontaine-Henry (là où j’habite) un terrain qui appartenait à un membre du GONm qui l’a mis à notre disposition ; c’était un terrain en friche, inondable, non constructible ; on l’a mis en réserve et on a aidé à le nettoyer, on a posé une clôture puis une pancarte réserve et je crois qu’elle y est toujours. Ce n’est plus une réserve car ce terrain a été vendu à un pêcheur de la côte qui ne s'en est jamais occupé. J’étais à ce moment-là conseillère municipale entre 1998 et 2003.
A la prairie de Caen j’ai participé à des enquêtes de comptage des bécassines des marais : il fallait courir après, on tombait dans l’eau, il y avait les filets d’Alain Chartier ; c’était une approche morphologique intéressante, complémentaire de l’observation aux jumelles. Il y avait à cette époque un prof de maths de la fac : John Boxall qui participait. Je rencontre aussi Robin Rundle qui commence à organiser le Grand comptage des oiseaux du jardin (GCOJ) vers 2004. Autres bons souvenirs : l’enquête râle des genets dans les marais de Carentan en sorties nocturnes, et l’enquête dortoirs des grands cormorans.
Le GONm a toujours eu besoin de bras et j’ai prêté les miens pour du débroussaillage à la Dathée en janvier, pour un chantier à Tatihou l’hiver aussi et une balade en canoé-kayak dans les marais avec Philippe Spiroux.
J’ai rencontré des gens prestigieux comme M. Moreau que j’ai croisé aux AG, Mlle Lecourtois que j’ai croisée à Granville alors qu’elle s’occupait des comptages d’oiseaux marins, M. Braillon, M. Saussey. C’est avec ce dernier et sa femme que j’ai aidé cinq ans de suite au baguage des hirondelles de cheminée à Saint-Laurent de Condel dans un centre équestre : on y allait 4 ou 5 fois dans la saison et nous avons eu une reprise, ce fut un grand plaisir.
Je me souviens aussi de Joëlle et François Riboulet lors d’une campagne de démazoutage à Caen au musée de la nature près de la mairie, où François nettoyait consciencieusement les oiseaux avec son beau pull islandais !
Aujourd’hui j’appartiens à un club de randonnée où je suis surnommée « Madame oiseaux » car je regarde tout le temps en l’air pour leur signaler des oiseaux de passage ou chanteurs.
Je fais toujours des voyages ornitho avec Dominique Benoist, je lui donne mes données qu’elle transmet au GONm, car j’ai installé Faune Normandie mais c’est compliqué et je fais encore des RSS papier.
J’ai acheté le Nouvel Atlas des oiseaux de Normandie : il est formidable, il y a beaucoup d’informations, les annexes sont utiles et il est très bien présenté, scientifique mais accessible à tout le monde. Cela fait 40 ans que j’utilise des guides, c’est très utile.
Mon oiseau préféré est la linotte mélodieuse car elle est belle et son chant est … mélodieux.
Le GONm m’a marquée car grâce à lui j’ai concrétisé mon goût pour la nature, je suis devenue plus sensible et j’ai élargi mes connaissances grâce à François Riboulet, Gérard Debout et Bruno Lang pour l’apprentissage des chants et pour son humour. A Carolles j’ai appris avec Sébastien Provost les cris des migrateurs, ce qui est très différent de l’apprentissage des chants avec Bruno. On a fait des pique-niques à la cabane Vauban avec jean Collette, Alain Chartier, Gérard Debout. J’étais hébergée avec Sophie Akermann dans un centre d’accueil de classes.
Je reviendrai à Carolles mais … j’ai maintenant un chien et il faut le faire garder.
Claire DEBOUT
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26- Mémoires du GONm ; interview du 50° anniversaire : Alain Barrier
Je suis né en 1947 à Sainte-Suzanne (Mayenne), mais j’ai passé l’essentiel de ma jeunesse dans la Sarthe, d’abord à Rouessé-Vassé, puis à Sillé-le-Guillaume, petite ville voisine, limitrophe de la Mayenne. Issu d’une famille d’artisans côté paternel, (mon père était plombier-zingueur) et de petits paysans côté maternel, notre vie se passait dehors, au contact de la nature. Et la pratique du scoutisme pendant une dizaine d’années n’a fait que renforcer mon goût pour la vie au grand air. Mais à cette époque je ne m’intéressais pas particulièrement aux oiseaux ; nous étions plutôt attirés par la forêt (celle de Sillé couvre 3 500 ha sur le massif des Coêvrons) et les étangs qui s’y trouvent (dont le renommé « Coco-plage »). Et nous partions régulièrement à la recherche des traces des grands animaux qui peuplent la forêt, notamment les cerfs, espérant en apercevoir un au détour d’un chemin.
Mes études scientifiques, dans le domaine de la chimie et du pétrole, ne m’ont rien apporté côté nature. Néanmoins, pendant les vacances, j’ai commencé à m’intéresser à la montagne (alpinisme, ski) et aux animaux qu’on y rencontre. Mon intérêt pour la montagne m’a alors conduit à faire mon service militaire dans les chasseurs-alpins à Bourg-Saint-Maurice (1971-1972).
Après mon entrée dans la vie active, j’ai continué à fréquenter la montagne, grâce notamment à des stages avec l’UCPA. Et c’est en mai 1976, lors d’un de ces stages, que s’est produit le « déclic… ».
Le déclic :
L’objectif consistait à relier Chamonix à Zermatt en Suisse par la « haute route », un grand classique du ski de montagne. Au bout de quelques jours, des chutes de neige massives (environ 2m en 2 jours) bloquent notre groupe dans un refuge suisse. Le retour à la civilisation, en hélicoptère, fut beaucoup plus rapide que le départ. Comme le stage devait durer encore quelques jours, notre guide nous a alors proposé de faire une sortie de découverte des oiseaux. Et je garde le souvenir précis des espèces observées à cette occasion : huppe fasciée, chevalier guignette, bruant zizi, torcol, rouge-queue-à-front blanc notamment.
A mon retour en région parisienne, je fonce à la Fnac, j’achète une paire de jumelles (des 12x50, je voyais grand…) et le « Peterson », le guide ornitho de l’époque. J’ai alors commencé à faire quelques observations, je me souviens d’avoir « coché » le petit gravelot sur les bords de la Seine, mais le contexte local n’était pas très favorable.
En 1977, mon employeur, une société d’ingéniérie spécialisée dans le pétrole et la chimie (Technip) crée un établissement à Saint-Nazaire. Je saute sur l’occasion pour quitter la région parisienne et retourner vers des contrées plus hospitalières… L’environnement local était évidemment bien plus favorable à l’observation des oiseaux. Et c’est ainsi que j’ai découvert de nombreuses espèces dans les marais salants de Guérande, le Traict du Croisic, la grande Brière ou sur les bords de Loire. Mais il s’agissait d’observations ponctuelles, au gré des disponibilités professionnelles et familiales, et je n’ai jamais adhéré à aucune association naturaliste locale (LPO comprise).
Dix ans plus tard, l’activité est en baisse, mon employeur décide de fermer l’établissement de Saint-Nazaire. Ayant refusé un retour en région parisienne je suis alors embauché par une autre société d’ingéniérie qui était chargée de la construction de l’usine de retraitement nucléaire de la Hague (là je sens que je perds la moitié des lecteurs…) et en 1988 je déménage avec ma famille à Valognes.
Je découvre alors le Cotentin et j’apprécie tout de suite les paysages du Val-de-Saire, de la Hague, et également le bocage Valognais qui me rappelle celui du Maine, mais en beaucoup mieux conservé. Ne connaissant pas le GONm je continue à observer seul, notamment sur la côte est du Cotentin, particulièrement propice aux oiseaux d’eau en général. J’y ai donc retrouvé une grande partie des espèces que j’avais découvertes dans la presqu’île de Guérande, limicoles, bernaches, etc.
Ma rencontre avec le GONm :
C’est probablement grâce au premier atlas des nicheurs (celui de 1985-1989) que j’ai découvert l’existence du GONm, atlas trouvé à la Fnac à Caen, où j’allais acheter des disques de jazz (mon autre passion).
Puis, lors d’une balade familiale à Carteret j’ai rencontré par hasard Philippe Spiroux qui observait un nid de faucon crécerelle dans la falaise. Je me souviens lui avoir demandé si on pouvait voir des plongeons dans la Manche… Peu après j’ai vu dans le journal l’annonce d’une animation qu’il faisait à la Hougue. Nous étions trois en tout… Et je crois que c’est à ce moment-là que j’ai adhéré au GONm, en 1998.
Je n’ai donc connu qu’à peine la moitié des 50 ans du GONm.
Dès mon adhésion j’ai commencé à relever mes observations, alors que je n’avais jamais rien noté auparavant ; depuis j’ai une caisse pleine de carnets. Et l’année suivante, j’ai commencé à transmettre mes RSS, d’abord sur papier, puis assez rapidement sur Excel et depuis la fin 2021 sur Faune-Normandie. A l’époque je n’étais pas très pointu sur les passereaux et surtout sur les chants et cris. J’ai donc « travaillé » les enregistrements disponibles dans le commerce (J.C. Roché et Daniel Pernin), d’abord sur cassettes (bonjour les retours en arrière) puis sur CD (nettement plus pratiques). Aujourd’hui, un simple « clic » suffit à trouver le cri de n’importe quelle espèce, énorme progrès.
J’ai gardé le contact avec Philippe Spiroux qui m’a demandé de participer à l’atlas des hivernants, pour lequel j’ai rédigé également quelques textes. Les prospections pour l’atlas m’ont beaucoup plu et c’est avec grand plaisir que j’ai participé aux suivants (nicheurs 2002-2005, atlas national 2009-2012 et nouvel atlas 2016-2019), ce qui m’a donné l’occasion d’explorer une grande partie du Cotentin.
Dès le début des années 2000 j’ai commencé à participer aux activités du GONm, notamment les enquêtes Wetlands en hiver. A cette époque les observateurs de la côte Est se retrouvaient chez Philippe aux Gougins où on partageait le couscous qui mijotait sur le poêle, excellent souvenir. Philippe m’a fait également connaitre d’autres sites, notamment Tatihou et les îles Saint-Marcouf.
En 2001, sur la suggestion de Jean Collette, j’ai démarré les parcours Tendances ; aujourd’hui j’en fais toujours quatre à Valognes. Et j’ai commencé à faire des suivis réguliers de sites particuliers, notamment à Saint-Vaast ou dans l’ancienne carrière de Fresville.
Mais c’est surtout à partir de mon départ en pré-retraite, en 2003, que j’ai intensifié mes prospections sur le terrain. En 2004, Gérard Debout me propose d’être conservateur de la réserve de Tatihou, île que je connaissais déjà pour l’avoir visitée avec Philippe. Après sa démission, pour cause de relations compliquées avec les autorités administratives de l’île, j’ai poursuivi les actions entreprises précédemment en liaison avec les salariés qui se sont succédé sur l’île, et notamment avec Rosine Binard, présente sur place pendant 5 ou 6 ans et avec qui les relations étaient excellentes.
Nous avons développé ensemble les comptages réguliers de la baie de Saint-Vaast et de Tatihou, et notamment le comptage des nids de goélands au printemps qui rassemblait parfois jusqu’à une dizaine d’adhérents dans une ambiance sympathique. Tout ça a pris fin en 2014, grâce (une fois de plus) aux « relations amicales » avec les autorités de l’île (je crains d’être trop long en rentrant dans les détails).
En 2004 également, Jean Collette me propose de l’accompagner pour le suivi du centre d’enfouissement de déchets non dangereux d’Eroudeville (SPEN), près de Montebourg. J’ai ainsi découvert ce site proche de Valognes et son évolution (il venait d’ouvrir en 2003) jusqu’à aujourd’hui. Après quelques années de suivi en commun, Jean m’a proposé de prendre le relais (Montebourg c’est loin de Tirepied), avec l’aide de Régis Purenne et de Jocelyn Desmares. Le contrat prévoyait 6 visites par an, mais certaines années j’en ai fait une bonne dizaine, peut-être même plus.
Depuis 2016, je ne fais plus que quelques visites annuelles, Régis assurant désormais l’essentiel. Mais ces suivis sont très intéressants car ils permettent de voir comment évolue un site qui, a priori, ne semble pas particulièrement favorable aux oiseaux. Au fil du temps on constate qu’au contraire, on peut y trouver une richesse spécifique insoupçonnée (114 espèces observées à fin 2021).
Cette expérience m’a incité à visiter d’autres sites « industriels » proches de Valognes, notamment les carrières Leroux-Philippe (Brix, Montebourg, La Pernelle, Bricquebec) où je suis la nidification du grand corbeau depuis 15 ans environ, et où j’ai assisté à l’arrivée progressive du faucon pèlerin. Et plus récemment la sablière de Lieusaint-Flottemanville, site également très intéressant grâce à ses milieux très diversifiés. En compagnie de Jean-Marc Joly nous y avons notamment découvert la nidification du hibou moyen-duc, alors que j’étais persuadé que l’espèce était totalement absente du Cotentin (grave erreur puisqu’un important dortoir a été trouvé peu après à Fresville). Tous ces sites font aujourd’hui l’objet de conventions de refuge avec le GONm.
En parallèle, J’ai également assuré la coordination des comptages de bernaches sur la côte est du Cotentin (à partir de 2004) et des limicoles (2008). Depuis 2016, c’est également Régis qui a repris le flambeau ; je participe encore parfois aux comptages (quand la météo est sage…).
La cigogne blanche :
Au début des années 1990 on ne trouvait qu’un seul nid de cigogne à proximité de Valognes, à Saint-Marcouf. Depuis, la situation a bien changé, le nombre de nids ayant littéralement « explosé » et les plus proches se trouvent désormais à quelques kilomètres seulement de Valognes. Le village du Ham notamment compte aujourd’hui 9 nids dont 5 sont regroupés et forment une mini-colonie. Le centre d’enfouissement d’Eroudeville qui se trouve juste à côté n’y est surement pas pour rien. En hiver quelques dizaines d’oiseaux restent d’ailleurs sur place. Alain Chartier m’ayant proposé de prendre en charge la partie nord du PNR, j’ai donc effectué le suivi d’une quarantaine de nids pendant quelques années. Aujourd’hui je partage la tâche avec Régis et Jocelyn.
Les réunions d’adhérents :
Dès le début de mon adhésion j’ai participé aux réunions d’adhérents qui étaient alors organisées à Querqueville par Alain Ghérardi, ce qui m’a permis de faire connaissance avec Jocelyn, Gilles Poidevin, Catherine Laget, Philippe Allain, etc. Au milieu des années 2000, la municipalité de Valognes ayant rénové un ancien bâtiment (l’Hôtel-Dieu) et mettant plusieurs salles à la disposition des associations, Jocelyn et moi avons proposé de déplacer les réunions à Valognes, site un peu plus central pour les adhérents non-cherbourgeois. Et comme j’étais sur place, j’en ai assuré l’organisation jusqu’à l’an dernier, Jocelyn prenant maintenant le relais. Ces réunions (5 par an) regroupent généralement une dizaine d’adhérents (entre 2 et 18…) et ont permis d’accueillir (voire de fidéliser) plusieurs nouveaux adhérents, Jean-Luc Destrés, Denis Le Maréchal, Françoise Noël notamment.
Le correcteur :
Au début des années 2000, je ne sais plus trop à quelle occasion, j’ai commencé à corriger les textes du Petit Cormoran dont François Gabillard était alors le rédac-chef. 20 ans plus tard j’assure toujours cette tâche avec plaisir, en duo avec Claire Debout. Par la suite j’ai également participé à la rédaction et à la correction des différents atlas successifs. Et lors de mon passage au CA, j’ai proposé la création d’un comité de lecture, destiné surtout à la correction des nombreux documents et études qui sont édités par le GONm tout au long de l’année. Suite à l’accord du CA, ce comité composé de volontaires a été mis en place et fonctionne bien je crois.
Conclusion :
De par ma formation, j’ai tout de suite apprécié les aspects « scientifiques » qu’on trouve dans les activités du GONm. C’est sans doute pourquoi j’ai assez vite « accroché » aux différentes enquêtes proposées, et notamment aux atlas. Cette particularité du GONm est un plus certain à mon avis. Un autre plus, ce sont les activités de protection grâce aux réserves et, à une autre échelle, aux refuges initiés par Jean Collette. Mon jardin de Valognes est, bien sûr, un refuge…
Je fais partie de la génération qui va progressivement s’esquiver pour « laisser la place aux jeunes… ». Je vais bien sûr continuer à observer, mais le rythme va probablement diminuer petit à petit. Pour le moment je continue l’enquête Tendances, mais aussi le suivi des cigognes et, dans une certaine mesure, le suivi des sites « industriels » du coin. J’espère que d’autres adhérents pourront prendre le relais quand ce sera nécessaire.
Avant de terminer, je voudrais rendre hommage à quelques personnes que j’ai connues depuis ces quelques 24 années d’adhésion au GONm :
D’abord Gérard et Claire Debout pour leur engagement XXL (j’ai du mal à trouver un qualificatif adéquat) au sein du GONm depuis 50 ans. Jean Collette, que je n’hésite pas à qualifier de « Géroudet normand », et qui m’a beaucoup appris lors de nos sorties communes à la SPEN ; également pour son incessant travail de communication (je dois avouer que ce n’est pas « mon truc »). Alain Chartier, qui m’a initié au suivi des cigognes, pour son énorme boulot dans les réserves du PNRMCB. Mais également Jocelyn Desmares, notre délégué Manchois, fin naturaliste toujours sur la brèche ; Régis Purenne, salarié infatigable qui parcourt le Cotentin du nord au sud. Et un salut amical à Rosine Binard (là où elle est aujourd’hui) avec qui j’ai passé de bons moments à Tatihou et ailleurs.
Longue vie au GONm !
Claire DEBOUT
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27 - Mémoires du GONm ; interview du 50° anniversaire : Philippe Ollivier
Né en 1955 à Nantes où j’y ai vécu toute ma jeunesse jusqu’en 1978.
J’aimais passer une bonne partie de mes vacances en milieu rural à la ferme. J’ai toujours eu un goût certain pour la nature, les oiseaux, la pêche. En famille on allait aussi dans le Massif Central, où j’ai découvert le pacage extensif, les pies-grièches …
Ensuite, je suis allé à l’ENNA de Toulouse pour une formation de professeur de Maths – Sciences Physiques en lycée technique professionnel. J’ai alors été nommé en Normandie à Condé-sur-Noireau en 1980 où j’ai fait toute ma carrière jusqu’à la retraite.
Apprentissage :
Grâce au Peterson, j’ai appris à reconnaître les oiseaux, surtout par le visuel, je n’étais pas motivé par les chants. C’est au cours de mon cursus en IUT de biologie appliquée que, dans un stage en Brière à l’île Fedrun en 1975, j’ai rencontré un ornithologue qui m’a convaincu de l’importance des chants et cris pour l’étude des oiseaux. Il m’a initié aux chants, notamment celui de la gorge-bleue, le chevalier combattant ... Jean-Luc Trimoreau ainsi qu’Yves Trévoux m’ont encouragé dans ce sens.
En 1982, nous avons fait un voyage avec Yves Trévoux en Espagne jusqu’au sud du Guadalquivir. Nous sommes restés près d’un mois, en « camping-car », s’arrêtant n’importe où pour avoir les meilleures observations. Je me souviens qu’avec Jean-Luc et Philippe de Grissac, on a assisté à la demi- finale du championnat d’Europe de foot à El Rocio et à la défaite mémorable des français contre les allemands !
Cette même année, après un entraînement sérieux avec Jean-Luc Trimoreau, j’ai obtenu mon permis de bagueur et j’ai contacté Alain Chartier (alors responsable du centre régional de baguage). En réalité, j’ai adhéré au GONm en 1981 et je faisais déjà des quadrats à Rully là où je me suis installé. En septembre 1980 ou 1981, j’avais observé un faucon pèlerin mais … ça n’était pas possible pour le GONm ; alors j’étais très déçu mais, j’ai quand même adhéré.
A partir de 1982, je suis les stages du GONm encadrés par Gérard Debout, Alain Chartier, Bruno Lang avec sa femme Chantal Kapps, à Saint-Vaast-la-Hougue, Gatteville et une ou deux fois à Chausey …
J’ai débuté le baguage à Rohars, dans les marais de l’estuaire de la Loire où l’on voyait le râle de genêts pendant la traversée d’environ un kilomètre de champs pour arriver à une roselière de 3 m de haut sur 50 à 60 m de large le long de la Loire. Ces sessions de baguage, entre 1985 et 1989, duraient 2 ou 4 jours. J’y ai emmené une fois Robert Renaud (qui fut un temps commissaire aux comptes du GONm comme moi) mais c’était spartiate ! Début juillet avant l’ouverture de la chasse, on baguait des jeunes et adultes, rousserolle turdoïde, phragmite, gorge bleue, locustelle luscinioïde et mésange à moustaches… Cette dernière espèce est pour moi très particulière car je n’ai jamais bagué de jeunes oiseaux avec une telle sensation de plumage huileux …
Ensuite, invité par Franck Ibanez, grâce à Jean-Luc Trimoreau, j’ai bagué au lac de Grand-lieu, au Grand Bonhomme qui était une réserve de chasse. Plus de 1 000 oiseaux sur 8 à 10 jours.
Après 1990, je n’ai plus pu baguer à Grand-lieu …et du coup j’ai un peu abandonné la Loire Atlantique.
En 1984, j’ai bagué en Normandie dans la roselière de Genêts … juste avant mon mariage avec Martine. Françoise Trimoreau-Madec et Jean Luc nous accompagnaient avec le chien attaché par une ficelle… pour les besoins de l’arrachage d’une dent !!
Entre 1985 et 1990, j’ai fréquenté le stage des migrateurs de Carolles fin septembre et j’ai bagué sur la falaise. J’y ai rencontré Sébastien Provost, et Matthieu Beaufils tous deux impressionnants pour leur connaissance des chants et des cris d’oiseaux. L’annonce des oiseaux qu’entendait Matthieu et mes propres observations à la jumelle n’ont montré aucune erreur ou hiatus. Cela m’a bien donné envie de reconnaître les espèces au cri, mais je suis loin du compte …
En 1990, j’ai fait des séances de STOC-Capture (STOC : suivi temporel des oiseaux communs) sur les réserves des coteaux du Bessin avec Alain Chartier : nous arrivions en famille sur les landes et de 6 h à 12h nous baguions puis ensuite, pique-nique.
Gaston et Jeanne Moreau, Michel Saussey ...
En 1988-89, je suis passé chez Gaston et Jeanne Moreau en revenant de vacances et depuis, entre 1990 et 2014, 2 ou 3 fois par an nous faisions du STOC-Capture en milieu forestier : baguage de pic noir, de pouillot de Bonelli, de pouillot siffleur. Il y avait plus de diversité que chez moi à Rully où je bague les espèces du bocage (en STOC-Capture depuis 2013).
Gaston est un redoutable découvreur de nids doublé d’un botaniste émérite tout comme Jeanne. Bref, ce sont des naturalistes émérites (insectes, papillons de nuit …). Il m’a appris entre autres qu’il ne faut jamais faire un aller et retour au nid mais qu’il faut faire une large boucle pour le retour et ne pas bloquer sur le nid afin que les prédateurs ne trouvent pas trop facilement ce nid.
Jusqu’en 1990, j’ai aussi bagué des hirondelles à la prairie à Caen, et j’ai connu monsieur Saussey, qui m’a sollicité pour avoir des filets de 6 m pour le baguage des verdiers dans son jardin de Caen. J’ai bagué des hirondelles de rivage dans les carrières de Ducey avec Jean Collette (naturaliste, conteur et animateur fantastique).
A partir de 1993, j’ai fréquenté le camp du Hode avec Patrick Frébourg, Bruno Dumeige, Jo Pourreau… J’ai emmené avec moi Stéphane Lecocq qui voulait être bagueur …
le traquet motteux en Normandie :
Je me suis ensuite passionné pour le traquet motteux, ce grand migrateur transsaharien fascinant, puisqu’il va du grand Nord pour nicher jusqu’en Afrique du sud pour hiverner. Je l’ai étudié au havre de la Vanlée, car Alain Chartier m’avait dit que c’était la dernière colonie avec environ trente couples sur la côte ouest du Cotentin. J’ai bagué de 1991 à 1997 puis contrôlé les bagues de 1998 à 2000. J’avais eu l’accord de la mairie de Bréville-sur-Mer pour baguer, grâce à Guy Jarry, mais je n’ai vu que 2 ou 3 fois les gardes ! Olivier Dubourg avait conçu et fabriqué le clap-net téléguidé permettant de capturer les oiseaux et sans lui l’étude n’aurait pu être aussi intéressante… Lors de la période de baguage intensif j’ai fait de belles observations, entre autres de la prédation par l’hermine. J’aidais Olivier Dubourg et Philippe Sagot en leur signalant les nids de gravelot à collier interrompu dans la dune.
C’est grâce à eux et Alain Chartier que j’ai connu Serge Mouhédin, bagueur, et pépiniériste. Je suis allé le voir chez lui. Du coup un verger entouré d’une haie a vu le jour à la maison.
De cette étude avec baguage du traquet motteux, j’ai tiré un article paru dans Le Cormoran en 1997 : Biologie de reproduction du traquet motteux (Oenanthe œnanthe) en Normandie, Le Cormoran 10(45) 36-42 et un autre avec l’aide de Claire et Gérard Debout sur l’Importance du choix du territoire dans la reproduction du traquet motteux Oenanthe oenanthe sur une dune fixée de la Manche (N.O. France) (Ollivier P., Debout C. & Debout G. 1999, Alauda 67, 213-222). Enfin, grâce au stage de formation niveau 1 et 2 dispensés par le CRBPO en février 2010 à Ouistreham, j’ai pu aussi publier avec l’aide importante de Pierre-Yves HENRY un article en anglais : « Low immigration and high local recruitement in an isolated, coastal population of a declining grassland passerine, the Northern Wheatear Oenanth oenanthe », paru en 2015 dans Acta Ornithologica, Vol 50 (2).
SPOL, ACROLA et toujours du baguage :
Entre 2001 et 2007 j’ai fait du SPOL (Suivi des Populations d’Oiseaux Locaux) pour étudier entre autres le gobemouche gris. J’ai bagué plus de 200 poussins au nid en bagues couleurs uniquement sur la commune de Rully mais je n’ai pu montrer l’aspect philopatrique de l’espèce car je n’ai eu que 3 ou 4 retours. Le bocage, même dégradé, est vaste…
En 2013, j’ai eu un stagiaire pour le projet de parc éolien de Rully pour le GONm, Thomas Chesnel, de Master EcoCaen. Il connaît beaucoup la musique et maitrise bien les sons. Thomas, qui travaille maintenant en bureau d’étude, a montré ses compétences en Estrémadure où il a participé au voyage organisé par Alain Chartier au printemps 2022. Il a également rédigé différents textes de l’Atlas.
J’ai participé avec Fabrice Cochard et bien d’autres à une opération ACROLA (programme de baguage du phragmite aquatique) pour une étude commandée au GONm en 2020 au Mont Manet à Genêts. Il en avait été de même en 2017, pour essayer de remplacer, suppléer Sébastien Provost.
Depuis cinq, six ans j’essaie d’aider Alain Chartier dans ses études sur le traquet tarier (SAXRUB) et la bergeronnette printanière (MOTFLA) ainsi que pour le programme ACROLA sur la R.N.R. des marais de la Taute.
Souvenir et souhait :
A Ouessant avec Martine, je me souviens d’avoir vu, avec 4 ou 5 personnes, une pie-grièche brune, espèce rare. Des vélos sont arrivés de partout puis, ce fut la foire d’empoigne de la part des « cocheurs fous » pour l’observer… Je préfère étudier les comportements plus que la course aux oiseaux rares, ce qui ne m’empêche pas de voyager pour voir d’autres espèces dans d’autres pays.
Sinon, pour l’association, j’ai participé aux atlas et différentes études mais je ne viens plus que rarement à Caen car je n’aime pas la ville en général. Les réunions GONm étaient souvent le soir, période où je corrigeais mes copies. Je me suis moins investi que certains mais il fallait que je trouve le juste milieu pour ma vie de famille et mes autres loisirs… J’aurai pu, en 1986-87, aller baguer en Afrique avec Guy Jarry dans le Djouj, c’est un de mes grands regrets. Mais je ne pouvais, ni ne voulais laisser Martine et mes deux enfants pour aller baguer au loin.
J’ai un souhait : baguer la fauvette orphée…
Claire DEBOUT
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28 - Mémoires du GONm ; interview du 50°anniversaire : Robin Rundle
Devenu professeur de français à Plymouth de 1965 à 1990, j’ai fait une pause de 8 mois en 1970 pour travailler dans une usine de chaussures Clarks comme « technicien des temps et mouvements » où j’étais chargé d’étudier les cadences de travail. Puis je suis retourné à l’éducation. Mon établissement était jumelé avec le collège de Saint-Pierre sur Dives où Martine était prof. de français, c’est ainsi que nous nous sommes rencontrés.
En 1990 je quitte l’Angleterre pour m’installer avec Martine à Saint-Pierre sur Dives et je commence à travailler comme formateur d’anglais dans les entreprises de Caen et sa région (Phillips, Promodès, Moulinex, Renault etc.) pour l’AIFCC (formation des entreprises de la Chambre de commerce de Caen). Bientôt promu chef de section des langues, je travaille à l’AIFCC jusqu’à ma retraite en 2002 ; nous quittons le Pays d’Auge et nous installons à Ouistreham en 1991.
Premiers livres, premiers équipements :
Toujours curieux de nature depuis mon enfance, surtout des oiseaux, j’avais peut-être 5 ans quand je me souviens m’être éloigné de mes parents dans un bois pour poursuivre un rougegorge. A 10 ans, j’avais comme livre de chevet « The Observer’s book of British Birds » de Vere Benson (1952) dont mon père a dû refaire la reliure tellement je l’avais usé. Je suis toujours très heureux à ce jour de voir ou d’entendre un des oiseaux décrits dans ce livre et que je considérais à l’époque comme très rares ou exotiques, un loriot par exemple, ou une grue cendrée, une huppe ou une spatule. J’observais dans un estuaire à côté de Plymouth, à Noss Mayo, bel estuaire où mes parents ont emménagé quand j’avais 13 ans. J’ai aussi été influencé par un cousin qui avait une collection d’œufs et toute une série de livres naturalistes. Je n’avais pas de jumelles mais, moniteur dans une école de voile dans le Devon pendant une quinzaine d’années lors des vacances, j’avais l’occasion de remarquer les oiseaux et pouvais les identifier s’ils n’étaient pas trop loin.
Bientôt, vers 1975, j’ai acheté le livre « Tous les oiseaux d’Europe » par Bertel Bruun en anglais et que j’ai utilisé pendant au moins 30 ans. J’ai commencé à cocher dans la table des matières les oiseaux vus en indiquant la date d’observation, ce que je fais encore aujourd’hui sur ma liste de vie, mais cette fois sur mon ordinateur.
C’est dans les années 1990 que j’ai eu mes premières jumelles, des Optolyth d’occasion qui m’ont été volées dans notre camping-car à Florence. J’ai racheté une paire d’Optolyth toujours d’occasion, puis des Zeiss et enfin des Swarowski. Toute la famille s’est cotisée pour une longue-vue en cadeau de mariage en 1996, mais, posée à côté de la voiture près du canal à Ouistreham après un comptage concerté de la baie d’Orne, je l’ai oubliée au bord de la route après avoir fait monter notre chiot dans le coffre tout en répondant à un coup de fil ! à mon retour elle avait disparu. Martine a un peu bataillé à la MAIF pour réussir à convaincre le responsable de nous rembourser car nous étions bien couverts, ce dont il doutait. Je l’ai remplacée par une Swarowski.
Découverte du GONm, premiers contacts :
J’ai appris l’existence du GONm un peu plus tôt, en 1988, quand nous avons vu un nid de cigogne en haut d’un pin énorme à Putôt-en-Auge. Nous l’avons signalé en allant à la Tour Leroy, local de l’époque, et nous avons adhéré tous les deux. Nous avons commencé à assister aux réunions mensuelles de Caen, à participer aux sorties animées par James Jean Baptiste ou Bruno Lang au jardin des plantes de Caen. J’ai commencé à remplir des RSS et à dresser des listes avant 1991. J’ai acheté l’atlas en 1991 et nous avons été très impressionnés par sa richesse et sa qualité.
Martine aimait les oiseaux depuis longtemps puisqu’elle était en classe de seconde quand elle a commencé à participer aux stages de la SEPNBC avec Mlle Lecourtois (professeur à l’Ecole Normale de St Lô) dans la Manche. Mon fils, lui, est fauconnier et a longtemps utilisé une buse de Harris pour une chasse sans fusil. Il a abandonné la chasse mais reste passionné d’oiseaux et ne se lasse pas de tester les limites de l’appli Merlin que je viens de lui faire découvrir.
Dans les marais de la Dives j’ai découvert la pie-grièche écorcheur, entendu le loriot (longtemps sans le voir), repéré le râle des genêts, découvert l’explosion sonore de la bouscarle à Pennedepie, ou le cri insistant de la cisticole en Espagne dans une roselière près d’un camping. Je pense être comme beaucoup de naturalistes le témoin du réchauffement climatique avec l’observation de nouvelles espèces comme l’aigrette garzette, les premières cigognes nicheuses et la bouscarle de Cetti en Angleterre ou les spatules arrivées en Cornouailles il y a 10 ans.
Retraite active, implications au GONm :
Après ma retraite je suis devenu beaucoup plus actif sur le terrain. Nous avons voyagé en camping-car pour allier ornithologie et tourisme. J’ai participé à l’Atlas normand 2003-2005 et beaucoup appris en faisant mes points d’écoute (100 EPS) sur les cartes de Ouistreham, en baie d’Orne et aussi en plaine où j’ai découvert le bruant proyer. J’ai ainsi fait 4 cartes, des points STOC et je suis toujours quatre circuits Tendances.
J’ai représenté le GONm à beaucoup de réunions, participé aux stands au château de Crève-Cœur-en-Auge, à Thury-Harcourt, dans le pays d’Auge ; nous venons bien sûr aux assemblées générales et j’ai fait partie du bureau du GONm en tant que secrétaire (succession de Christiane Hemery) de 2003 à 2010. C’était difficile pour moi ces premières réunions sur Internet avec Skype où il y avait des coupures, des problèmes de liaison, la nécessité de tout noter en langue étrangère. Du coup j’envoyais mes comptes rendus à Alain Chartier pour qu’il m’aide à les compléter et me les corrige !
Dans cette période, grâce à l’excellente gestion du GONm, on a trop d’économies pour pouvoir demander des subventions. J’insiste alors pour demander à quitter la Tour Leroy, exiguë, peu confortable pour les salariés. Gérard Debout va voir un agent immobilier et c’est ainsi que le GONm devient propriétaire du 181 rue d’Auge, plus confortable, plus vaste. J’ai été tuteur de deux salariés pendant quelques temps : James Jean Baptiste et Fabrice Gallien.
Le GCOJ :
En 2004, j’ai lancé en Normandie (et donc en France) le Grand comptage des oiseaux des jardins (GCOJ) sur le modèle proposé par la RSPB. Les adhérents du GONm ont répondu immédiatement, alors que certains étaient un peu dubitatifs ; La RSPB avait lancé ce comptage en 1979 uniquement dans les écoles puis l’avait élargi au grand public peu de temps avant notre propre lancement. Nous avons été très surpris dès la première édition par les 600 premières fiches à traiter à la main, heureusement avec l’aide de Jean Collette. On a fait des animations préparatoires dans l’école Primaire à Ouistreham, mais surtout pendant des années à la maison de la nature à Caen avec Nicole Leconte etc. Cela a été et est encore un franc succès auprès du public et des médias. Nicolas Klatka a pris le relais en 2018 avec une communication renouvelée et très efficace. Au fil des ans la télévision a couvert le comptage chez différents participants, sans pouvoir toujours filmer d’oiseaux comme l’illustre bien son reportage chez Frédéric Branswick en Haute-Normandie avec son chat noir étendu à côté d’une mangeoire : évidemment aucun oiseau n’est venu se faire voir ! Nous sommes les premiers en nombre de participants pour l’Europe continentale. De façon très intéressante, Matthieu Beaufils a fait des comparaisons de nos résultats avec les chiffres de la migration en baie du Mt St Michel et nos comptages hivernaux confirment ce qui avait migré à l’automne, ce qui est satisfaisant. Par exemple, l’année où les jaseurs boréaux avaient migré en nombre à Carolles, les jaseurs ont été bien contactés au GCOJ. Ce comptage est un exemple de science participative qui participe à faire connaitre le GONm, au même titre que les sorties concertées organisées pendant plusieurs années un même week-end dans toute la Normandie.
Sous la houlette de Jean Collette, j’ai ainsi pendant 3 ou 4 ans fait des sorties concertées sur un thème commun comme les oiseaux de la plaine, les oiseaux du bourg… autour de Ouistreham, nous avons eu 10 à 15 personnes en moyenne. De même, j’ai proposé une animation dans une ferme à Plumetot pour expliquer les points STOC. J’aime transmettre au plus grand nombre et rencontrer des néophytes curieux avec qui je suis toujours content de partager mes observations en les laissant jeter un œil dans mes jumelles ou ma longue-vue.
J’ai participé aux réunions pour établir la ZPS en baie d’Orne à Merville-Ouistreham. J’ai été impressionné par l’efficacité et le professionnalisme d’Olivier Zuchet, technicien départemental. J’ai aussi participé, avec Joël Pigeon, à des réunions pour la gestion du Bois du Caprice : projets pour des chemins, intérêt pour les amphibiens, bois humide à protéger car il y a beaucoup de monde qui apprécie cet espace protégé et il faut essayer de limiter l’impact d’une surfréquentation.
Enfin, depuis très longtemps maintenant je traduis en anglais les résumés et les légendes des figures des articles pour le Grand Cormoran et je l’ai fait aussi pour des articles de la revue Alauda, mais c’est très chronophage.
Sorties - plaisir :
Nous avons eu notre premier chiot en 2002 lors de mon départ en retraite, un golden retriever choisi pour son calme et sa patience. Notre deuxième me suit dans les sorties ornithologiques. En baie d’Orne, lors d’un guet à la mer il s’ennuie, il creuse un trou dans le sable au pied de ma longue-vue …qui penche … penche ! je suis moins mobile maintenant car j’ai quelques problèmes de hanches, je continue cependant à sortir, moins loin, pour le chien et les oiseaux. Aujourd’hui je n’ai plus de carnet, je mets mes données sur Naturalist. J’ai même fait don à la maison de la Nature en baie d’Orne d’un vieux carnet et d’un manteau en coton huilé : les incontournables de l’ornitho présentés avec une vieille paire de jumelles dans un casier vitré à côté du matériel du chasseur et du pêcheur de pelouses. Depuis quelques années, pour me motiver à sortir et à bouger je dresse une liste annuelle de mes observations : quelle excitation de recommencer cette liste à zéro au 1er janvier ! je partage mes observations avec un groupe d’acharnés sur WhatsApp : 213 espèces en un an c’est mon maximum, (bien loin des bons
« cocheurs » du groupe), je n’en ai eu que 170 en 2022.
Avenir et jeunesse :
Pour conclure je voudrais dire combien je suis heureux de voir s’engager de plus en plus de jeunes ornithologues et naturalistes passionnés qui prennent la place qui leur est due dans notre association et, en lui apportant leur passion, leur maîtrise des nouvelles technologies et des médias, sont en train d’assurer son renouvellement et sa continuité. Quand nous sommes allés au week-end de la migration à Carolles, nous avons été à chaque fois impressionnés par le monde et par l’enthousiasme de plusieurs jeunes.
Quelques anecdotes pour finir :
A Roncheville, lors d’une séance de construction de plate-forme pour cigognes, je pousse de la paille entre les branches de la structure et … je perds mon alliance. Par chance Céline Chartier la voit tomber au pied de l’échelle de 5 mètres et la récupère. Heureusement !
A Varaville, je découvre en sortant mon chien un faucon crécerelle pendu par une patte sous un nid. Je me précipite à la maison et téléphone à Alain Chartier, qui vient tout de suite de chez lui avec l’échelle qui lui sert pour les nids de cigogne ; l’oiseau était lié par un fil de fer barbelé et un fil plastique bleu qui constituaient l’essentiel d’un nid de corbeau. On a réussi à libérer le faucon, qui a pu s’envoler.
Sur le ferry, de retour d’Angleterre : observation d’une marouette poussin réfugiée sur le bar derrière la bouteille de Famous Grouse ! on l’a relâchée dans le chenal normand : et une belle observation pour le Calvados !
A Ouistreham, dans un buisson, récupération du cadavre d’un grand labbe, bagué 21 ans avant !
A Ouistreham encore il faut toujours être attentif ; au fil des ans une grue cendrée, un milan royal et même un pélican sont passés juste au-dessus de ma tête à la maison.
Claire DEBOUT
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