Les samedi 24 et dimanche 25 septembre 2022 n’ont pas failli à la réputation de ce rendez-vous annuel de la Saint-Michel, puisque même si la pluie est abondamment tombée les deux soirées et les deux nuits, les deux matinées sur la falaise ont été très ensoleillées et ont permis à environ 130 personnes d’observer et d’échanger.
Le vent était nul et le peu de brise plutôt de Nord : il était donc peu favorable au passage des oiseaux migrateurs. Nous avons quand même pu noter 36 espèces différentes avec 152 pipits farlouses, 100 bécasseaux sanderling, 82 hirondelles de cheminée, 80 pinsons des arbres, 50 choucas des tours. Nous avons pu voir le faucon pèlerin, deux grands corbeaux, et aussi une fauvette pitchou, qui sont des oiseaux locaux.
- observateurs sur le cap de Carolles. Photo X Corteel
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Côté mer, 30 puffins des Baléares ont été observés, donnée qui rentrera dans l’enquête puffins des Baléares, recensés de juin à octobre sur les côtes de l’ouest du Cotentin, à Carolles justement et à Baubigny. Comme d’habitude, des milliers de macreuses noires sont vues par petits groupes, en déplacements incessants devant nous mais assez loin. Une spatule blanche a été notée chaque jour. Nous avons aussi pu observer, toujours avec plaisir, un phoque veau marin juste à nos pieds et plusieurs grands dauphins.
Nous avons tous profité d’un chaud soleil pour nous retrouver à l’apéritif convivial offert par le GONm au camping et nous avons eu le plaisir d’accueillir monsieur le maire de Carolles Miloud Mansour, très intéressé par nos actions, dans la ligne des anciens maires qui se sont succédés et toujours soutien actif de notre association. Le repas convivial tiré du sac a réuni 65 personnes dont nos trois conférenciers qui ont partagé le pique-nique en toute simplicité.
- Monsieur Mansour, maire de Carolles. Photo J Alamargot
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C’est à partir de 14h que les personnes arrivent à la salle des fêtes de Carolles magnifiquement restaurée et nommée Espace François Simon, nom du maire de Carolles de 1995 à 2001 qui a toujours hébergé le garde de la réserve du Cap, et a mis à notre disposition le local de la MOM dans le bourg, action que continue M. Mansour.
Dans la salle François Simon, tout le monde a pu admirer l’exposition présentant le Nouvel Atlas des Oiseaux de Normandie et les panneaux présentés par Joëlle Berthou sur la vie du goéland argenté, avant de s’asseoir pour écouter avec attention les trois conférences proposées ce samedi après-midi.
- le public attentif. Photo X Corteel
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La première présentée par Alain Chartier a traité du courlis cendré nicheur au sein du PNR des marais du Cotentin et du Bessin, dans le cadre d’une collaboration avec Frédéric Jiguet du Muséum national d’Histoire naturelle de Paris. La stratégie d’hivernage des courlis cendrés sur les côtes européennes est présentée. Les résultats obtenus ces deux dernières années pour les courlis normands sont spectaculaires : leur trajet migratoire au-dessus de l’Atlantique les mène sur les côtes occidentales de la péninsule ibérique où ils resteront pour hiverner, par exemple au Portugal, dans la baie d’Aveiro. Alain nous a révélé des résultats très intéressants comme la date très rapide du départ, juste après la fin de la nidification, la durée du voyage qui peut durer entre 13 heures pour le plus pressé et 9 jours pour le plus lent, la vitesse moyenne entre 60 – 70 km/h avec des pointes de 120 km/h, l’altitude du vol est, elle aussi, très variable, souvent à 1000 m et parfois à 5000 m. Et encore bien d’autres détails nous ont été présentés sur cette espèce phare soumise actuellement à un moratoire de chasse qui lui permet de voir la population des marais de Carentan augmenter.
- Alain Chartier. Photo X Corteel
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La deuxième conférence proposée par Thierry Lecomte, écologue, président du CSRPN (Conseil scientifique régional du patrimoine naturel) et conservateur de la réserve des Courtils de Bouquelon (marais Vernier dans l’Eure), avait un titre un peu mystérieux : La vache et l’oiseau, ou le rôle des herbivores vis à vis de certaines communautés aviaires. Thierry nous a d’abord exposé ce qu’est l’herbivorie et l’a replacée dans la pyramide de la biodiversité écosystémique. Il a différencié l’herbivorie dans un contexte naturel de l’herbivorie dans un contexte agricole non naturel, industriel. Son propos a permis de constater, grâce à ses propres expériences de gestionnaire de réserve, la perte des milieux ouverts qui devient une menace importante pour la biodiversité : les prairies disparaissent dans 80 % des cas du fait des cultures. Il a donc montré l’intérêt de l’éco-pâturage dans les prairies, maintenant le milieu puisque, selon la saison, les herbivores ne mangent pas que de l’herbe et sont capables de manger des fruits des arbres (entre autres des haies de bordure des champs), et des ligneux, entretenant l’écosystème prairial. A cette occasion nous avons appris que l’hiver, les jeunes taurillons Highland mis à pâturer au marais Vernier, adaptent leur digestion hivernale à l’ingestion d’une grande quantité de bois (écorce, rameaux bas) et excrètent des fèces sèches anguleuses bien différentes des bouses plus liquides de printemps et d’été. Il a donc montré la coévolution entre les systèmes herbacés faits pour être broutés et les herbivores faits pour brouter. Ces interactions maintiennent des milieux ouverts où coexistent des arbustes et plusieurs ressources permettant le déroulé des cycles de vie de différentes espèces de passereaux. Il nous a permis aussi de découvrir le maintien de la microfaune comme les insectes coprophiles et les insectes coprophages, tous proies potentielles des oiseaux patrimoniaux comme les petits rapaces diurnes et nocturnes, pie-grièche, huppe …, qui sont des espèces étendards fortes pour communiquer sur l’état de la biodiversité et donc de bons indicateurs de la santé des écosystèmes.
Cette conférence de très haute qualité nous a donc permis de découvrir l’herbivorie et son rôle fondamental dans le maintien de la biodiversité des milieux ouverts ou semi-ouverts.
- Thierry Lecomte. Photo X Corteel
La troisième conférence a été proposée par Éric Buffetaut, directeur de recherche émérite au CNRS, paléontologue spécialiste des dinosaures et des oiseaux, qui nous a posé la question fondamentale : les oiseaux descendent -ils des dinosaures ?
Un bref historique a rappelé le rôle de certains évolutionnistes comme Darwin, la découverte du premier fossile emplumé l’
Archæopteryx lithographica, la question de la parenté entre les reptiles et les oiseaux et, en particulier, entre les dinosaures et les oiseaux. Nous avons découvert l’existence de fossiles d’oiseaux avec 4 ailes sur les membres antérieurs et postérieurs, la présence et la disparition des dents dans les becs des oiseaux subfossiles. En 1960, Ostrom montre les ressemblances du squelette des oiseaux avec celui d’un petit dinosaure carnivore
Deinonychus, du Crétacé inférieur. Une douzaine de fossiles d’
Archæopteryx finement analysés permettent de préciser de nombreux caractères dinosauriens.
E. Buffetaut a présenté des recherches très récentes sur un gisement de fossiles dans les formations lacustres du Crétacé inférieur du Liaoning dans le Nord-Est de la Chine, qui ont décrit des protoplumes et un petit dinosaure
Microraptor gui, capable de planer au moyen
de ses quatre ailes et de sa queue emplumées. D’après toutes ces recherches récentes (on s’intéresse toujours aux dinosaures même quand on est adulte), permettent de conclure qu’il ne fait plus de doute que les 10 000 espèces d'oiseaux actuels descendent de petits dinosaures et que les dinosaures n'ont pas complètement disparu, leurs descendants volent encore au-dessus de nos têtes.
Eric Buffetaut a signé quelques-uns de ses nombreux ouvrages dont un, paru en 2020 - A la poursuite de l'oiseau Roc. De Sinbad le marin à l'
Aepyornis - que je viens de dévorer tellement il est passionnant et que je recommande à tous.
- Eric Buffetaut et Maryse Fuchs à la table de dédicace. Photo J Alamargot
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Ce week-end passionnant s’est terminé le dimanche 25 septembre, par une quatrième conférence : Gérard Debout a présenté le réseau des réserves du GONm dans toute la Normandie. Un bilan impressionnant puisque le GONm gère 810 ha de réserves grâce à 20 conservateurs bénévoles aidés par 7 salariés. La première de ces réserves est celle du Nez-de-Jobourg depuis 1965, 1967 pour l’île de terre de Saint-Marcouf etc. C’est en 1980 que la politique de création de réserves ornithologiques du GONm par convention avec les propriétaires a pris son essor sur le modèle de ce que faisait la SEPNB en Bretagne. A partir du début des années 1990, le GONm décidait d’acheter des terrains principalement dans les marais de la Taute et de l’Aure et aussi dans l’Eure. Nous sommes propriétaires aujourd’hui de 325 ha. Il a rappelé que, puisque le GONm est reconnu d’utilité publique, certains de ces achats ont pu être possibles grâce à des legs et des dons de certains adhérents.
L’énumération de tous ces sites de haute valeur patrimoniale a été remarquable tant par la précision des informations administratives, cadastrales et statutaires et Gérard a rappelé que ces réserves sont les sites privilégiés d’études scientifiques sur le long terme (depuis 1967 pour Saint-Marcouf par exemple), sont entretenues, parfois avec de gros moyens, pour conserver un milieu adéquat, sont des sites d’animation.
Enfin, un bilan par espèces a présenté le pourcentage des espèces nicheuses normandes nichant dans nos réserves, montrant ainsi leur rôle essentiel en abritant plus de 80 % des nicheurs normands pour 9 espèces comme le cormoran huppé (avec plus de 1 % de l’effectif mondial), l’huîtrier-pie, et même 100 % de l’effectif français pour le harle huppé.
- Gérard présentant le bilan des réserves du GONm. Photo J Alamargot
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Ces conférences ont passionné l’auditoire de plus de 135 personnes, et de nombreuses questions ont été posées tant à E. Buffetaut qu’à T. Lecomte, A. Chartier et Gérard Debout, qui tous ont répondu avec précision et gentillesse.
Ce même dimanche a permis à certains adhérents de construire un nichoir sous la conduite expérimentée (et très outillée) de Thierry Grandguillot : 7 nichoirs ont été construits et sont prêts à être posés.
- atelier nichoir avec Thierry et Sébastien Crase. Photo X Corteel
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En fin d’après-midi, Philippe Gachet a proclamé les gagnants du concours Réserves qu’il a organisé et lancé en début d’année ; nous avons eu des participants photographes, des écrivains et des réalisations artistiques. Un gagnant par catégorie s’est vu offrir un bon pour un voyage en bateau sur la Rosée du soleil dans les marais de la Taute à la date de son choix et les autres participants ont été remerciés de leurs efforts par le don du livre de Gérard Debout : Où voir les oiseaux en Normandie. Les trois gagnants sont Jean-Marc Jansen pour la photo de busard des roseaux en vol avec sa proie (poule d’eau) dans les marais de la Taute, Marie-Laure Jourdan pour son ode à la réserve de la Dathée, et Éric et Isabelle Gruet pour leur broderie sur toile de lin des oiseaux de Tombelaine. Leurs œuvres seront affichées sur le forum dans la page des réserves.
- annonce des résultat du concours réserves par Philippe. Photo J Alamargot
Pour conclure, ce fut un week-end magnifique par le nombre de participants, le soleil fidèle au rendez-vous et par le nombre d’adhérents ayant aidé à la bonne marche de cette manifestation. Ainsi, je veux remercier : Bernadette Miroudot, Maude Silly et Fabrice Cochard pour la plastification des affichettes et leur mise en place sur l’espace public,
Joëlle Berthou, Philippe Gachet, Fabrice Cochard et d’autres nombreux, pour la mise en place et le rangement des tables et chaise du pique-nique et celui de la salle François Simon
Jean-Luc Brard, Maude Silly et Fabrice Cochard, Joëlle Berthou et Rosemary Chas pour les nombreux gâteaux et autres cakes, tous meilleurs les uns que les autres et bien appréciés de tous.
- une partie des bénévoles actifs. Photo J Alamargot
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Et en toute fin, merci au GONm qui permet de tels évènements riches en rencontres et en intérêt. Nous souhaitons continuer cette action l’année prochaine et vous attendons nombreux. Notez déjà la date du 23-24 septembre 2023 sur vos agendas.
Claire Debout